Uber, les salauds et mes ovaires, c’était déjà le nom d’un « spectacle politique » que donnait Danielle Simonnet dans un théâtre parisien en 2016. La députée de la 15e circonscription de Paris (groupe Ecologiste et social) n’a jamais délaissé le sujet depuis. C’est elle qui a initié et conduit la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les « Uber Files », du nom d’une série d’articles publiés par Le Monde et ses partenaires du Consortium international des journalistes d’investigation en juillet 2022. Son rapport, publié à l’été 2023, dénonçait le « cynisme total » d’Uber et critiquait Emmanuel Macron, qui a manœuvré en coulisses pour la plateforme lorsqu’il était ministre de l’économie.
La députée, exclue de La France insoumise en juin dernier lors d’une « purge » d’élus « frondeurs », publie, jeudi 9 octobre, Face à Uber. Enquête sur un scandale d’Etat (Fayard). Un livre dans lequel elle dénonce la menace que la hausse du nombre de travailleurs des plateformes fait peser sur nos normes sociales. D’où l’urgence, selon elle, de transposer en droit français la directive européenne sur le travail des plateformes adoptée au printemps.
Vous qualifiez, dans votre livre, les relations entre Uber et Emmanuel Macron de « scandale d’Etat ». Mais, lui, estime avoir été dans son rôle de ministre de l’économie, puis de président, en rencontrant des chefs d’entreprise étrangers. Dès lors qu’il l’assume, où est le problème ?
Cette histoire, ce n’est pas du tout celle d’un homme politique qui rencontre des entreprises qui créent de l’emploi. Déjà, ce n’était pas du tout transparent à l’époque. Surtout, au moment de ces rencontres, de 2014 à 2016, Uber est une plateforme hors-la-loi à tout point de vue : le code du travail est bafoué, les règles sur la concurrence également, sans parler de la fiscalité. Cette application n’est pas une grande invention en soi, mais ils ont été très forts pour se moquer de l’Etat de droit et théoriser le passage en force. Or, le ministre de l’économie, à l’insu de son gouvernement, a construit avec la multinationale américaine toute une stratégie de communication commune, en vue d’un deal. Les documents issus des « Uber Files » le montrent. Emmanuel Macron s’est efforcé de modifier les réglementations pour les adapter à cette application. C’est ça qui est scandaleux.
Le revenu moyen d’un livreur Uber Eats qui accepte toutes les courses était de 10,10 euros brut par heure en 2023, selon une étude publiée début octobre par le ministère de l’économie. C’est moins que le salaire minimum, si l’on tient compte des cotisations. C’est aussi ça, l’ubérisation ?
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