« Ce qu’Elon Musk appelle le “journalisme citoyen” n’est autre qu’une arme de destruction massive de la réalité factuelle »

« Ce qu’Elon Musk appelle le “journalisme citoyen” n’est autre qu’une arme de destruction massive de la réalité factuelle »


« Vous êtes les médias, maintenant. » Ce tweet d’Elon Musk, publié le 6 novembre et vu plus de 105 millions de fois, n’a pas seulement mis en lumière la croisade que mène l’homme le plus riche du monde contre les médias traditionnels. Il marque sans doute l’entrée dans un nouveau régime informationnel, dominé par les médias sociaux, dont le modèle économique est indifférent à la qualité et à la véracité de l’information qu’ils propagent. A bien des égards, Elon Musk incarne mieux que personne la nouvelle dynamique entre influenceurs, algorithmes et foules numériques, décrite par Renée DiResta dans Invisible Rulers (« dirigeants invisibles », PublicAffairs, 2024, non traduit) et qui constitue le creuset d’une part croissante de l’information parvenant sur nos écrans, au détriment de celle qui émane des médias traditionnels.

X, anciennement Twitter, est l’équivalent numérique de la « sphère publique bourgeoise » décrite par Habermas, un lieu immatériel où l’usage public du raisonnement est érigé en contre-pouvoir, en même temps qu’un espace où se construit le discours public. Depuis qu’il a racheté Twitter, Musk manque rarement une occasion d’exprimer son mépris envers les médias traditionnels. A l’été 2023, il a limité l’accès des utilisateurs de X aux messages contenant des liens vers le New York Times. Mais depuis février 2023, ses publications sur la plateforme ont été affectées d’un coefficient multiplicateur de 1 000, de sorte qu’il est quasi impossible de ne pas être exposé à ses tweets et ses partages de contenus souvent non fiables.

Dès 2022, il a fait rétablir des dizaines de comptes qui avaient été suspendus à la suite de l’insurrection du 6 janvier 2021. En remplaçant le système de certification qui attestait de l’authenticité des comptes, notamment de médias et de journalistes – ils donnaient, aux yeux de Musk, un faux air de crédibilité – par un système de certification payante associé à la rémunération des contenus, Musk a permis la prolifération de contenus de désinformation, mais a aussi créé une économie de la désinformation au profit de dizaines d’influenceurs qui gagnent jusqu’à 20 000 dollars (près de 19 000 euros) par mois en publiant des infox ou des contenus haineux, à l’instar d’Andrew Tate et de Matt Wallace.

Symptôme de bouleversement

Si le Twitter 1.0 n’était pas exempt de reproches, le principal étant de permettre la propagation six fois plus rapide du faux que du vrai, selon une célèbre étude de 2018, X, le Twitter 2.0, se caractérise par la volonté délibérée et assumée de son propriétaire d’en faire une arme au service de la destruction du régime de vérité journalistique. En atteste le chatbot de X, Grok, lancé en novembre 2023, qui restitue fidèlement, en leur accordant du crédit, les fausses informations qui y prolifèrent. « Je pense que notre intelligence artificielle [IA] est capable de donner des réponses que les gens peuvent trouver controversées, se défend Musk, même si elles sont en réalité vraies. »

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