Le FBI a arrêté jeudi 13 avril un membre de la garde nationale aérienne, Jack Teixeira, âgé de 21 ans, suspecté d’être « OG ». C’est sous ce pseudonyme qu’une personne a publié une centaine de documents confidentiels du renseignement américain, pendant environ un an, sur le service de discussion Discord. Identifié par le New York Times et Bellingcat, le jeune homme, dont les premiers éléments de l’enquête dressent le portrait d’un amateur d’armes complotiste, semble avoir échappé à toute détection par les services de sécurité.
Qu’est-ce que Discord ?
Discord est une plate-forme sociale née en 2015 et considérée aujourd’hui comme le principal outil de discussion utilisé par celles et ceux qui jouent aux jeux vidéo. L’application, disponible aussi bien sur smartphone et ordinateur, est une version plus poussée et plus riche des groupes Facebook, des boucles Telegram ou WhatsApp. Un serveur Discord, le plus souvent centré autour d’une communauté spécifique, peut aussi bien accueillir un petit groupe d’amis, des collègues ou des milliers de personnes fans d’un youtubeur ou d’un jeu vidéo.
Chaque serveur est organisé en différents canaux de discussion, bien souvent thématiques, et la plupart des serveurs proposent aussi des salons vocaux dans lesquels les membres peuvent discuter. Si l’entreprise tente, depuis plusieurs années, de s’ouvrir à des publics plus larges, Discord garde aujourd’hui une image très forte de premier réseau social du jeu vidéo et des cultures numériques.
Comment les documents y ont-ils été diffusés ?
Les documents ont d’abord été publiés sur un serveur appelé « Thug Shaker Central », réservé à un groupe de personnes fans d’Oxide, un youtubeur spécialisé dans le paintball, les jeux vidéo de simulation de guerre et les reconstitutions militaires (MilSim). Selon les premiers éléments de l’enquête, un participant de ce serveur a, au tout début du mois de mars, republié certains des documents confidentiels sur un autre serveur Discord pour les fans d’un youtubeur philippin Wow Mao. Un autre internaute a alors diffusé les photographies sur un troisième serveur, beaucoup plus fréquenté, consacré aux cartes pour le jeu vidéo à succès Minecraft.
Comment la plate-forme est-elle modérée ?
Les documents confidentiels des services de renseignement américains ont initialement été publiés sur un serveur privé ne rassemblant qu’une vingtaine de personnes et accessible uniquement sur invitation. Sans un signalement de la part d’un utilisateur, il était impossible de savoir que des documents confidentiels y étaient publiés.
Contrairement à d’autres plates-formes comme Telegram, Discord dispose d’une équipe de modération importante, qui émet des avertissements et supprime des comptes d’utilisateurs et des serveurs entiers lorsqu’ils enfreignent la loi ou les règles de la plate-forme. D’après le dernier rapport de transparence publié par l’entreprise, elle a supprimé un peu plus de 150 000 comptes individuels et un peu plus de 33 000 serveurs durant le dernier trimestre 2022. La plate-forme revendique environ 190 millions d’utilisateurs actifs mensuels. Ce qui, à titre de comparaison, est un peu plus que Twitch (140 millions).
Les pratiques de modération de la société ont parfois été critiquées ces dernières années, notamment après la tuerie de Buffalo – le tueur avait évoqué ses plans sur un serveur Discord privé avant de passer à l’acte.
Quel rôle va jouer Discord dans l’enquête ?
Si Discord n’est pas en mesure d’analyser a priori tous les contenus publiés sur les très nombreux serveurs créés par les utilisateurs, le réseau social va néanmoins pouvoir fournir une grande masse de données aux autorités dans le cadre de l’enquête sur ces fuites de documents confidentiels.
Le Monde
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Les groupes de discussion Discord ne peuvent pas être hébergés sur des serveurs privés des utilisateurs, ce qui signifie que toutes les conversations et les fichiers envoyés sont hébergés sur des serveurs de l’entreprise. Les conversations privées tout comme les conversations groupées ne sont par ailleurs pas chiffrées de bout en bout sur le réseau social, ce qui signifie donc qu’en cas d’enquête judiciaire la société peut fournir aux autorités américaines l’intégralité des échanges liés à un utilisateur ou un groupe. L’entreprise pourra également ici fournir aux enquêteurs américains les données techniques (notamment les adresses IP) concernant les internautes qui étaient membres du groupe Thug Shaker Central, sur lequel ont été publiés les documents classifiés du Pentagone.