Est-ce que le monde de la tech doit se réjouir de la chute du gouvernement Barnier ? Comme toujours, les impacts sur l’écosystème numérique seront contrastés. Le rejet du budget 2025 fera des heureux du côté des startups. Même si de nombreux amendements ont entretemps assoupli la copie, le projet de loi de finances (PLF) prévoyait la suppression du crédit d’impôt innovation (CII).
De son côté, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) envisageait la fin de l’exonération de cotisations sociales pour les jeunes entreprises innovantes. Le gouvernement Barnier avait également entériné de sérieux coups de rabot sur les grands programmes d’investissement.
La mission « Investir pour la France de 2030 » voyait ses crédits de paiement fondre en 2025, passant de 5,7 milliards d’euros à 4,3 milliards d’euros. L’industrie des télécoms poussera également un ouf de soulagement. La reconduction du budget 2024 effacera les restrictions budgétaires qui amputaient de moitié les crédits alloués au plan France Très Haut Débit.
Des levées de fonds plus difficiles ?
En revanche, l’instabilité institutionnelle que connaît la France crée un climat d’incertitude, peu propice au « business ». Si le CAC 40 est, en ce jeudi 5 décembre 12h, en légère en hausse ayant déjà intégré la chute du gouvernement, le marché pourrait tarir les conditions d’accès au sources de financement.
Selon le dernier baromètre EY, la French Tech avait redressé la tête, « après le gros coup de froid des 18 derniers mois », avec des levées de fonds en hausse de 5 % au premier trimestre. Les crises à répétition en France pourraient doucher les ardeurs d’investisseurs étrangers qui n’aspirent qu’à la stabilité.
Sur le plan de l’incarnation, les acteurs du numérique pourraient perdre au change avec leurs futurs interlocuteurs dans le prochain gouvernement. Michel Barnier était plutôt « tech compatible ». Marc Ferracci, ministre délégué à l’industrie, en charge du secteur des télécoms, et Clara Chappaz, secrétaire d’Etat dédiée à l’Intelligence artificielle et au Numérique, ont, eux, fait preuve d’un certain activisme durant deux mois et demi.
Plus de gouvernement, c’est aussi la France qui se trouve sans voix à l’international. Gérant les affaires courantes, le ministre démissionnaire Marc Ferracci n’ira pas, le 6 décembre, défendre les positions de notre pays au Conseil des ministres des télécommunications.
NIS 2, SREN… retard attendu sur le processus législatif
Par ailleurs, la chute du gouvernement Barnier « risque de retarder plusieurs dossiers tech qui devaient démarrer ou aboutir prochainement », comme le note le site Contexte. A l’agenda de l’Assemblée nationale la semaine du 20 janvier, le projet de loi « simplification » prévoyait différentes mesures faciliter l’implantation des entrepôts d’e-commerce, des datacenters et des réseaux mobiles.
Prévu pour être examiné mi-février 2025, le projet de loi « résilience » permettait, lui, de transposer – enfin – la directive européenne NIS 2 sur la cybersécurité. Sur ce dossier, la Commission européenne a mis en demeure fin novembre la France, l’enjoignant à assurer cette transposition dans les deux mois. NIS 2 concerne plus de 10 000 organisations « critiques ».
La censure du gouvernement devrait entraîner, rappelle Contexte, un retard dans « l’élaboration des décrets de la loi sur l’espace numérique, notamment sur le cloud et les données sensibles, dont la publication était attendue pour le mois de novembre. » Cette loi SREN vise notamment à encadrer les frais de sortie et les crédits cloud et faciliter l’interopérabilité des plateformes cloud.
Enfin, Contexte note que la censure du gouvernement retardera la publication de la deuxième charte sur la réduction de l’impact environnemental du secteur de l’e-commerce. « Déjà victime de la dissolution, elle risque à nouveau d’être reportée, alors qu’elle devait être signée le 9 décembre. »