ces étranges créatures qui peuplent nos machines numériques

ces étranges créatures qui peuplent nos machines numériques


Dans le morceau Ghost in the Machine, l’artiste américaine SZA chante les fantômes à l’intérieur de nos appareils. Une chanson que Noémi (le prénom a été modifié), employée de banque nantaise de 42 ans, écoute en boucle sur Spotify depuis la mort de son compagnon en février et qui l’interroge : n’est-ce pas Sacha (le prénom a été modifié) qui lui fait passer un message depuis l’au-delà ? Est-il l’esprit dans la machine qu’évoque la mélodie ? « Je n’ai jamais cru à la vie après la mort et aux fantômes, mais là… »

Dans les autres recommandations concoctées par l’algorithme, Noémi guette les messages potentiels de son amour perdu. Faut-il discerner dans les paroles de Rewind (« rembobiner ») du groupe Sylvan Esso ou de Hi, It’s Me Again (« Salut, c’est encore moi ») de la chanteuse Silly Boy Blue des messages qui lui seraient destinés ? « Il y a des échos de conversations passées, des coïncidences déroutantes, des références aux journées que je passe sans lui, comme s’il me chuchotait à l’oreille… Parfois même des présages heureux. J’ai beau me raisonner, je suis toujours un peu nerveuse lorsque je fais défiler les titres de mes playlists pour parvenir aux chansons suggérées. »

Pour Noémi comme pour d’autres, les ordinateurs, tablettes et téléphones ne sont pas seulement des entrelacs de câbles, de cartes graphiques et de microprocesseurs. Nos machines accueilleraient peut-être tout un bestiaire d’entités protéiformes et méconnues, tour à tour débonnaires, impassibles, fantomatiques ou malveillantes. En ligne, les témoignages d’internautes troublés par une apparition spectrale se multiplient, faisant état d’une présence mystérieuse croisée au détour d’un site Internet ou d’un écran plasma.

Un soir d’été, Rémi (le prénom a été modifié), 39 ans, contrôleur de gestion à Nantes, a, dit-il, reçu la visite d’une proche défunte. « Je zappais tard dans la nuit et je suis tombé sur un vieux western. J’ai reconnu la voix de ma grand-mère qui me parlait par le biais d’un personnage alors qu’il chevauchait aux côtés de son complice. Cela a duré plusieurs minutes, une ligne de dialogue sur deux : le héros s’adressait à moi avec cette voix familière, tandis que l’autre répondait normalement, suivant le script du film. Ma grand-mère me répétait sans cesse de “revenir dans le jardin”. C’était très étrange, j’y repense très souvent, sans vraiment savoir que faire de tout ça. »

Ces retrouvailles inattendues prennent parfois une forme moins mystérieuse. Inspirée par Jacqui Kenny, qui depuis 2016 photographie le monde grâce au service de navigation virtuelle Street View, une utilisatrice a souhaité se rendre à son ancienne adresse en utilisant l’outil de Google Maps. Emue, elle y a vu son chat noir mort il y a des années, qui attendait sagement que sa maîtresse rentre de l’école, comme il le faisait tous les jours. Dans l’épisode 82 d’« Otherworld », podcast du journaliste américain Jack Wagner, qui documente les rencontres dites paranormales, Solveig, étudiante norvégienne, soutient avoir échangé durant des mois avec des aliens par le biais de SMS cryptiques. Ponctués d’émojis, dénués de ponctuations et bancals en termes de grammaire, les premiers messages sont arrivés en rafale alors qu’elle passait la soirée chez sa mère à la campagne avec une amie : « On arrive venez à notre rencontre aller dehors plus loin encore dans l’eau. » Et sur le forum r/Paranormal de Reddit, une internaute alarmée certifie avoir discerné un énigmatique visage lumineux dans son téléviseur alors que celui-ci était éteint. « Peut-être un fantôme », répond quelqu’un.

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