Faites-vous partie des 9 % des Français, qui se passent d’abonnement à une box internet, et qui utilisent exclusivement leurs forfaits mobiles pour se rendre sur le Web ? C’est le cas de Sarah, Jérôme, Gabriel, et Rosine*. Depuis plusieurs mois, ces derniers utilisent exclusivement le partage de connexion pour consulter leurs réseaux sociaux, leurs emails, ou encore pour regarder des séries ou des films.
Ont-ils fait ce choix pour des raisons purement économiques ? S’agit-il d’une décision temporaire ou, au contraire, faite pour durer ? Sarah, qui vit en colocation dans le centre-ville de Grenoble, raconte ainsi avoir eu, pendant longtemps, une Freebox. Mais dans les années 2020, la quadragénaire décide de se reconvertir, en passant par plusieurs années de formation. Pendant cette transition, « j’ai éliminé toutes les factures inutiles », dont celles de la box internet, nous confie-t-elle.
« J’ai voulu tester le partage de connexion avant d’arrêter mon abonnement internet »
« J’ai découvert à l’étranger que le partage de connexion fonctionnait très bien. Quand j’ai repris une vie de salarié l’année dernière, je me suis demandé si j’allais reprendre une box. Mais même en regardant Netflix tous les soirs, en étant souvent sur Deezer et en utilisant internet de temps en temps, je n’ai jamais dépassé mon forfait mobile “illimité” », nous précise-t-elle. La Grenobloise dispose de 350 Go (chez Free). Elle ne pense pas rebasculer en box internet pour le moment.
Chez Jérôme, 29 ans, qui vit, lui, dans un village de l’Aveyron, à une trentaine de minutes de Rodez, la décision d’arrêter la box internet a été précédée d’une période de tests. « J’avais entendu parler du partage de connexion, et j’ai voulu le tester avant d’arrêter mon abonnement internet », explique-t-il.
Pendant deux mois, le presque trentenaire, autoentrepreneur, garde sa box internet (Red by SFR), mais utilise exclusivement le partage de connexion. Ce dernier télétravaille chez lui – il donne des formations et fait de nombreuses visios – et passe plusieurs soirées par semaine sur « Netflix et Amazon Prime », voire sur l’application TV de SFR. La période de tests comporte aussi deux semaines de vacances, pendant lesquelles le partage de connexion est utilisé plusieurs heures par jour, nous détaille-t-il. Mais à la fin, surprise : non seulement tout a toujours bien fonctionné. Mais il n’a pas utilisé tout son quota de gigas (250 Go).
« C’est un peu comme si j’étais couvert par deux assurances pour la même chose »
Pour ce dernier, qui estime avoir un salaire correct, cette décision a surtout été prise dans un sens « d’optimisation des finances personnelles ». « Parfois, on paye pour des choses dont on n’a vraiment pas besoin. C’est un peu comme si j’étais couvert par deux assurances pour la même chose. Et là, pourquoi je paierais un abonnement internet alors que le partage de connexion fonctionne bien ? J’avais deux forfaits (box et mobile, NDLR) qui couvraient le même service (accès à internet, NDLR), donc autant en supprimer un ». Résultat, « ce sont 22 euros en moins à payer par mois », détaille-t-il – soit près de 264 euros sur 12 mois, le prix annuel de son abonnement internet.
Il faut dire que d’un côté, la couverture réseau s’est améliorée sur tout le territoire, y compris loin des grandes villes. De l’autre, les forfaits mobiles, avec des centaines de Gigas, sont devenus plus qu’accessibles, avec des offres à moins de 20 euros, voire 10 euros par mois, pour 100, 200, 300 gigas – soit bien moins que le prix d’une box internet, qui peut aller d’une vingtaine d’euros à une cinquantaine, voire plus avec options. Le marché français est devenu « ultra concurrentiel, avec des offres très généreuses à des prix très bas », confirme SFR, que nous avons contacté.
Le temps où le partage de connexion ne fonctionnait pas toujours, en raison du smartphone, de la couverture réseau, ou des limites du forfait, est bien révolu. Ajoutez à cela que la box internet, qui se couplait auparavant avec un serveur TV, n’est plus le seul moyen d’accéder aux chaînes TV ou aux plateformes de vidéo à la demande. L’offre d’IPTV légale s’est aussi développée, accessible directement via une app, une plateforme ou un site Web, en dehors du champ de la box internet historique.
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Pour Gabriel, 28 ans, l’arrêt de l’abonnement internet fixe a été fait dans un contexte de déménagement. Le commercial, qui fait construire une maison dans laquelle il emménagera bientôt, est passé exclusivement en mode partage de connexion depuis qu’il a quitté son dernier logement, un choix initialement temporaire qui pourrait finalement durer.
Depuis qu’il n’a plus de box internet, celui qui habite à Rodez (Aveyron) est passé en forfait mobile de 100 Go à 200 Go, chez Orange – un chiffre qu’il n’a jamais atteint, bien qu’il regarde souvent des séries sur les plateformes (Netflix, Amazon…). Lui aussi « trouve ridicule d’aller payer des sommes astronomiques pour deux choses alors qu’on peut l’avoir en une. Au-delà du côté financier, je ne vais pas payer juste pour faire plaisir, je préfère le mettre de côté ou investir cet argent-là, plutôt que de le mettre dans un abonnement », assure-t-il.
Reprendra-t-il une box prochainement ? Ce n’est pas prévu. « La seule interrogation que je me pose par rapport à la box, c’est que tout y est centralisé, dans la maison. Alors que pour le partage de connexion, il faut systématiquement le remettre via son téléphone, une fois arrivé chez soi », estime-t-il. Il y a aussi parfois quelques bugs, qui nécessitent de relancer une vidéo, reconnait-il. Mais ces inconvénients ne le pousseront pas à repayer un abonnement internet pour une box, ajoute-t-il.
Rosine vit, elle, depuis des années sans box internet. « En fait, je ne sais même pas à quoi ça sert une box », nous confie celle qui vit avec sa cousine à Grenoble depuis plusieurs semaines. La trentenaire, aide-soignante, utilise depuis longtemps le partage de connexion pour se rendre sur le Web : « C’est pratique, il n’y a rien à installer, c’est économique ». La formule suffit amplement à l’adepte de séries et de films regardés en replay sur les plateformes – elle dispose d’un forfait de 100 Go chez Orange. Seul bémol : « quand je suis en vacances en Bretagne, chez mes parents : les murs de leur maison font office de bunkers dans certaines pièces, et il m’est impossible de capter quoi que ce soit ».
À noter qu’aucune des personnes interrogées ne joue en ligne. Toutes ont un téléphone assez récent qui a pu remplir son rôle de modem internet sans difficulté – aucune surchauffe ou surconsommation de la batterie n’a été constatée. Toutes vivaient aussi dans des lieux qui étaient bien couverts par les opérateurs, une information que l’on peut consulter sur le site de l’Arcep. Toutes passaient enfin par des applications, des plateformes ou des sites Web pour regarder des vidéos à la demande ou des chaînes TV.
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Une tendance limitée aux jeunes ou foyers solo ?
Ces quelques témoignages démontrent-ils une tendance de fond ? Chez Orange, on confirme qu’il y a bien un « abandon de l’accès broadband (internet haut débit) fixe au profit d’un usage via le mobile uniquement ». Mais « cette tendance est principalement portée par des populations jeunes, en foyer solo, avec des forfaits généreux en data ». Pour l’opérateur historique, le fait de se passer de box internet correspond « davantage (à) un moment de vie : dès lors que l’on se met en couple (foyer duo), le taux d’équipement broadband revient à la normale ».
Chez SFR, on constate qu’il « y a (bien) de la demande pour ce type d’enveloppes data » – des forfaits mobiles avec des 100, 200, voire 300 Gigas. La société au carré rouge note « une légère évolution des habitudes de consommation entre 2022 et 2024, vers une préférence pour le tout mobile, qu’il conviendra de confirmer dans le temps ». Près de 93 % des clients SFR sont toujours équipés d’une box, mais ce chiffre a décru de presque 2 points, ajoute l’opérateur télécom. Cette baisse est « plus prononcée chez les 18-34 ans chez qui l’on observe également une part d’équipement tout mobile plus importante ». Contacté, Bouygues Telecom n’a pas souhaité répondre à nos questions. Free n’avait pas répondu à notre demande de commentaires, à l’heure de la publication de cet article.
L’abandon progressif de la box internet se retrouve aussi dans l’étude annuelle de l’Arcep, qui fait l’état des lieux de nos usages liés à Internet. Le gendarme des télécoms observait, en mars dernier, que le partage de connexion (exclusif) concerne désormais près d’un Français sur dix. Et la tendance est « plus importante chez les plus jeunes, puisque cela concerne 19 % des 18-24 ans (+2 points par rapport à 2023, et +9 points par rapport à 2020) et 15 % des 25-39 ans (+7 points par rapport à 2020) », pouvait-on lire dans le baromètre du Numérique 2025. Reste que cette étude annuelle interrogeait les Français en juillet et août 2024. Depuis, neuf mois se sont écoulés. Et la tendance constatée pourrait s’être accélérée.
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*Note de la rédaction : les prénoms ont été modifiés à la demande des personnes interrogées.
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