Cinq ans après #metoo, l’antiféminisme prospère sur les réseaux sociaux

Cinq ans après #metoo, l’antiféminisme prospère sur les réseaux sociaux


On ne peut pas l’écrire sans commencer par un dièse. Car, si #metoo est né loin d’Internet, c’est bien grâce aux réseaux sociaux qu’il s’est mué en mouvement mondial. #metoo mais aussi #yesallwomen, #timesup, #balancetonporc, #noustoutes… Son histoire est jalonnée de hashtags, d’abord diffusés en masse sur Twitter ou Instagram, puis devenus slogans sur des pancartes brandies dans la rue. Pourtant, cette année, en marge du procès opposant au mois d’avril Johnny Depp à son ex-femme, l’actrice Amber Heard, d’autres dièses ont envahi nos fils d’actualité : #justiceforjohnnydepp, #johnnydeppisinnocent ou encore #Amberturd (« Amber est une merde »).

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L’affaire, mêlant accusations de diffamation et de violences conjugales, a bénéficié d’une attention hors du commun sur les réseaux sociaux. Pendant de longues semaines, un torrent de haine sexiste s’est déversé sur Twitter, TikTok, Instagram ou YouTube, visant presque exclusivement Amber Heard. Des contenus partagés autant par des comptes importants que par des internautes lambda, y compris des jeunes femmes. Bien loin de « Believe women » (« croyez les femmes »), un autre slogan emblématique de #metoo. De quoi interpeller militantes et expertes du féminisme en ligne. Certaines craignent même un « backlash 2.0 ». Une référence à l’essai de la journaliste Susan Faludi Backlash (Editions des femmes, 1993), détaillant l’offensive réactionnaire qui a suivi les progrès pour les femmes américaines dans les années 1980. Internet, qui a forcé le monde à prendre conscience des violences sexistes et sexuelles il y a cinq ans, serait-il en train de revenir en arrière ?

Renouvellement misogyne

« Ce procès a fait office de paratonnerre : la possibilité d’un rejet total de #metoo », raconte Noémie Trovato. Titulaire d’un master 2 en sociolinguistique à l’université Sorbonne-Nouvelle et autrice d’un mémoire de recherche en analyse du discours sur le mouvement #metoo, elle travaille actuellement sur le procès Depp contre Heard. « Les médias numériques permettent la production d’un discours de haine dissimulé, produit via l’ironie, l’humour, explique-t-elle. Des femmes qui font du karaoké sur le témoignage du viol subi par Amber Heard sur TikTok, des entreprises et marques qui se servent du procès comme argument marketing, des vidéos YouTube monétisées de pseudo-analyse comportementale… Tout ça, c’est la misogynie qui se renouvelle via le numérique. »

Ce phénomène s’observe un peu partout sur le Web. Longtemps cantonnée à des forums cachés, la « manosphère » – ensemble de communautés qui prétendent défendre les hommes contre de supposées attaques – se déploie désormais sur des applications populaires, banalisant des opinions violentes auprès d’un jeune public. En témoigne par exemple le succès d’Andrew Tate, influenceur masculiniste dont les maximes souvent choquantes (« si une femme sort avec un homme, elle appartient à cet homme ») engrangent des milliards de vues sur TikTok, Instagram ou YouTube. Il a été banni de la majorité des réseaux sociaux en août, après plusieurs articles dénonçant ses propos, mais ses vidéos continuent d’être partagées massivement par ses fans.

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