Depuis mardi, le monde européen du cloud a un nouveau groupe de lobby. Dans son communiqué de lancement, l’Open Cloud Coalition (OCC), se présente comme « une nouvelle alliance de fournisseurs et d’utilisateurs de cloud de premier plan ». L’OCC ne cache pas sa raison d’être, à savoir « garantir que l’écosystème cloud reste compétitif et innovant » au Royaume-Uni et dans l’Union européenne.
L’OCC publiera des recherches sur le marché du cloud pour « informer » les régulateurs britannique et européen et « favoriser un marché du cloud dynamique et compétitif ». La création de nouveau groupement intervient à un moment charnière alors que la pression réglementaire s’intensifie.
La pression réglementaire s’intensifie
A Bruxelles, se joue actuellement le sort futur schéma européen de certification des services cloud. Cet EUCS doit ouvrir la voie à une certification commune pour l’ensemble des Etats-membres et se substituer aux référentiels nationaux comme le SecNumCloud en France. Lors des derniers arbitrages, le critère de souveraineté pourrait disparaître, ce qui désavantagerait les offres nationales de cloud de confiance.
A Londres, la Competition and Markets Authority (CMA) enquête actuellement sur les pratiques anticoncurrentielles potentielles des fournisseurs de cloud dominants, « une décision qui pourrait remodeler l’industrie », note l’OCC.
L’OCC est lancé avec dix membres fondateurs. En fait d’acteurs « de premier plan », il n’y a que Google Cloud. Les autres sont de « petits » fournisseurs cloud comme Centerprise International, Civo et Room 101 Gigas, des sociétés de conseil comme ControlPlane, DTP Group, Prolinx et Clairo et un opérateur de datacenters edge Pulsant. Soit sept sociétés anglaises et deux espagnoles.
Au sein du comité exécutif de la coalition, Google Cloud est représenté par le français Benoît Tabaka, secrétariat général de Google France, en charge des relations institutionnelles et des politiques publiques, et directeur par intérim des affaires publiques de Google Cloud en Europe.
Opération de déstabilisation
Pour Microsoft, le doute n’est pas permis. Ce nouveau groupement est un faux nez de Google. Dans un billet de blog, Rima Alaily, qui dirige l’équipe concurrence et réglementation des marchés pour la firme de Redmond, ne fait pas dans le sous-entendu. A ses yeux, il s’agit d’une opération de déstabilisation (astroturf) visant à « discréditer Microsoft auprès des autorités de la concurrence et des décideurs politiques et induire le public en erreur. »
« Google s’est donné beaucoup de mal pour masquer son implication, son financement et son contrôle, notamment en recrutant une poignée de fournisseurs de cloud européens », pour donner le change. La juriste se demande quelles contreparties ont obtenu ces « petites entreprises » « en termes d’argent ou de remises. »
Rima Alaily va plus loin dans ses accusations. « L’une des entreprises approchées, qui a finalement refusé, nous a dit que l’organisation serait dirigée et largement financée par Google dans le but d’attaquer l’activité de cloud computing de Microsoft dans l’Union européenne et au Royaume-Uni. »
Google aurait cherché à casser le deal avec le Cispe
Le contexte est particulièrement tendu entre les deux hyperscalers américains. Le 25 septembre dernier, Google Cloud indiquait déposer une plainte auprès de la Commission Européenne concernant les pratiques anticoncurrentielles de Microsoft en matière de licences logicielles.
Les conditions contractuelles de Microsoft empêcheraient les organisations de déplacer leurs charges de travail d’Azure vers des cloud concurrents. La firme de Redmond se servirait par ailleurs de Windows Server pour les rendre captives imposant « des sanctions financières extrêmement importantes aux entreprises souhaitant utiliser le logiciel Windows Server sur des cloud concurrents ».
Pour Rima Alaily, la lancement de l’OCC fait suite à l’échec de Google Cloud d’« armer » une autre organisation, le Cispe (Cloud infrastructure services providers in Europe) qui compte parmi ses membres Amazon Web Services, et les français Clever Cloud, Outscale et Ikoula.
Alors que le Cispe négociait un accord à l’amiable avec Microsoft pour retirer sa plainte contre ce dernier auprès des instances européennes, Google aurait offert, selon Bloomberg, 470 millions d’euros aux membres du Cispe pour casser le deal et maintenir ses poursuites. En vain. Un accord aura finalement été trouvé entre Microsoft et le Cispe en juillet dernier.