Des mini téléphones chinois, pas plus grands qu’un briquet ou une carte bleue, ont envahi les prisons en France. Vendus par une société de la région de Paris, ces appareils trafiqués ont permis de faciliter les activités criminelles des individus derrière les barreaux…
Ce 20 mai 2025, une opération policière de grande envergure a été menée contre Oportik, une entreprise française spécialisée dans la vente en ligne de téléphones mobiles et d’accessoires trafiqués, rapporte FranceInfo. Située dans la région parisienne, la société est soupçonnée d’avoir commercialisé des téléphones taille réduite indétectables, qui étaient essentiellement destinés aux détenus.
Des perquisitions dans 500 cellules
Plusieurs milliers d’appareils, capables de passer entre les mailles des portiques de sécurité et des détecteurs de métaux, ont été vendus par Oportik. Un miniportable n’est pas plus encombrant qu’un briquet. C’est l’idéal pour passer inaperçu dans un centre pénitentiaire, sous le radar des surveillants. Dans la foulée, la police française a d’ailleurs mené une opération baptisée « Prison Break » dans plusieurs prisons de France. Les forces de l’ordre ont orchestré une série de perquisitions dans les cellules afin de mettre la main sur les miniportables vendus par Oportik.
Près de « 500 cellules » situées dans « 66 lieux de détention sur l’ensemble du territoire » ont été perquisitionnées par des enquêteurs de la police judiciaire parisienne et des gendarmes, explique le parquet de Paris dans un communiqué de presse. En se servant des miniportables fabriqués par Oportik, les détenus ont pu « commettre, depuis la détention, les infractions de trafic de stupéfiants, d’escroqueries, de dégradation de commerce par incendie, de tentatives de meurtres commandités ».
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Des téléphones indétectables et « déplaqués »
Avant sa fermeture forcée, Oportik n’hésitait pas à faire la promotion de ses miniportables sur Snapchat, une application massivement utilisée par les criminels. Dans les vidéos promotionnelles, on apercevait même des détenus, dans leurs cellules, en train de se servir d’un miniportable.
Sur son site, désormais fermé de force par la police, l’entreprise de Drancy (Seine-Saint-Denis) mettait en avant des « mini-téléphones et accessoires INDETECTABLES », préparés « au maximum (déplaqués) et testés pour ne pas sonner aux portiques et détecteur de métaux ». En clair, la société s’est spécialisée dans l’achat de téléphones chinois à prix cassés. On trouve plusieurs références affichées par Oportik sur AliExpress, ou même sur Amazon. Ils sont ensuite trafiqués pour passer les portiques. L’opération, qualifiée de « déplaquage », consiste à retirer toutes les pièces de métal de l’appareil.
Nous avons pu consulter les anciennes versions du site web et nous avons découvert qu’Oportik vendait une large gamme de téléphones de petite taille « de la taille d’un briquet ou d’une carte de crédit », allant de 28,90 à 100 euros. Oportik se vantait de vendre des « produits complètement indétectables, en démontant et retirant tout ce qui pourrait déclencher le portique » afin de répondre aux besoins de sa « clientèle particulière ». La firme prétend s’adresser à des personnes exerçant le métier de « magistrat, juriste, agent ferroviaire ou aérien, agent de sécurité privé », et non à des criminels qui se trouvent derrière les barreaux.
« Au sein de vos professions, le passage régulier par des portiques de sécurité vous oblige à retirer vos téléphones portables et autres accessoires régulièrement. Simplifiez vous la vie et opter pour un matériel peu encombrant et discret. Nos produits s’adressent également à la population générale désireuse d’objet à la fois performant et très peu encombrant », déclare Oportik.
Tous « les téléphones que nous proposons sont à passer en une fois et la batterie complètement déchargée », expliquait la société. L’offre combine à la fois de simples téléphones, cantonnés aux appels et aux SMS, et des smartphones plus complets, munis d’une caméra et de la 4G. Pour passer les portiques de sécurité, certains téléphones, plus sophistiqués, devaient être démontés au préalable, concédait Oportik, citant le cas du JELLY PRO, connu sous le sobriquet de plus petit smartphone 4G du monde. On y trouvait aussi toutes sortes d’accessoires de taille réduite, comme des clés HDMI, des chargeurs en forme de bracelet ou des clés USB.
De la collecte de données via des backdoors
La société, qui s’appuie exclusivement sur des gadgets low cost fabriqués en Chine, est accusée d’« administration de plateforme permettant des transactions illicites » et de « recel d’objet provenant d’une infraction ». La police se penche désormais sur les données récupérées dans le cadre de la saisie du site officiel d’Oportik. Les autorités espèrent y découvrir le répertoire de tous les clients de l’entreprise. En 2023, celle-ci a déclaré 151.000 euros de chiffres d’affaires, peut-on lire sur le site Pappers, qui recense toutes les informations légales, juridiques et financières sur les entreprises immatriculées en France.
Le parquet précise que les 5000 téléphones de la firme, « en circulation sur le territoire national », sont dans le viseur des autorités. Une fois récupérés, les téléphones « seront expertisés par l’Anssi ». L’Agence nationale pour la sécurité des systèmes d’information va « vérifier l’éventuelle aspiration de données vers l’étranger par des backdoors ». La police suspecte que des portes dérobées glissées dans les appareils pouvaient exfiltrer des informations vers des pays étrangers. Tous les regards se tournent évidemment vers la Chine, pays dans lequel les terminaux sont fabriqués.
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Source :
FrannceInfo