Donald Trump a officiellement ouvert sa propre plateforme d’échange de cryptomonnaies, à savoir World Liberty Financial. La plateforme vient d’ouvrir les inscriptions sur invitation, uniquement aux États-Unis. Elle promet « d’aider à faire de l’Amérique la capitale crypto du monde ! », annonce fièrement le candidat à la présidence, de retour en force après sa défaite contre Joe Biden en 2020. Plus concrètement, elle devrait permettre d’échanger des cryptomonnaies sur les blockchains, dont le WLFI, la devise numérique à l’emblème du projet.
C’est l’occasion de revenir sur l’évolution du rapport entre Donald Trump et les cryptomonnaies. Le candidat républicain n’a pas toujours été un fervent défenseur du Bitcoin et des autres cryptodevises. Bien au contraire.
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Le Bitcoin, juste une « arnaque » pour Donald Trump
Il y a quelques années, le milliardaire a plusieurs fois fustigé le Bitcoin. Pour lui, la devise numérique n’était qu’une « catastrophe potentielle qui attend de se produire ». Au fil des ans, le magnat de l’immobilier ne s’est pas montré tendre avec les cryptomonnaies. Interrogé par FoxBusiness en 2021, Donald Trump estimait sans le moindre doute que les cryptomonnaies étaient inférieures au dollar. Il prônait même une forte réglementation pour encadrer les cryptoactifs :
« La monnaie de ce monde doit être le dollar. Et je ne pense pas que nous devrions avoir tous les bitcoins du monde. Je pense qu’ils devraient les réglementer ».
Alors que le marché haussier battait son plein, il estimait avec désinvolture que le Bitcoin, « ça ressemble juste à une arnaque ». Deux ans plus tôt, Trump avait aussi affirmé que sa « valeur est très volatile et basée sur rien du tout ».
Pire, le président avait recyclé les grands poncifs des critiques des cryptos, en assurant que les monnaies numériques « peuvent faciliter les comportements illégaux, y compris le commerce de la drogue et d’autres activités illégales ». À l’époque, on était bien loin d’imaginer que le milliardaire allait faire du Bitcoin l’un de ses thèmes de campagne, et même lancer une plateforme crypto.
Bien en amont de la campagne de 2024, Trump avait cependant déjà fait abstraction de son aversion affichée pour le monde des cryptomonnaies pour lancer une grande collection de NFT à son effigie. La collection, qui comprenait 45 000 cartes numériques mettant en scène l’ancien président américain sous les traits d’un superhéros, d’un cow-boy, d’un astronaute, d’un Texas Ranger, ou encore d’un pilote de courses, avait rencontré un succès colossal en engrangeant plus de 7 millions de dollars en 24 heures.
Trump avait réitéré l’initiative en 2023, puis en 2024. La majorité des NFT ont été payés avec des cryptomonnaies… Aux dires de Trump, c’est cette expérience qui l’a poussé à changer d’avis sur la question du BTC et des cryptos :
« J’ai demandé quelle était la proportion de paiement entre le Bitcoin et toutes les autres choses, mais avec les cryptos, et c’était une majorité écrasante. J’ai été un peu surpris par cela, et c’était il y a quelque temps maintenant — et cela m’a ouvert les yeux. Mais je pense que ce sont mes enfants qui m’ont ouvert les yeux plus que tout ».
Le revirement de Donald Trump
Il aura fallu attendre la campagne électorale de 2024 pour que Donald Trump opère un virage à 180 degrés sur la question des cryptomonnaies. Alors qu’il tentait de s’imposer comme le candidat officiel du Parti républicain, il avait pour la toute première fois tenu des propos qui n’étaient pas complétement hostiles au Bitcoin et aux autres devises numériques :
« Beaucoup de gens l’adoptent. Et de plus en plus, je vois des gens vouloir payer en Bitcoin, et vous voyez quelque chose d’intéressant. Je peux donc vivre avec ça ».
Trois ans plus tôt, Trump considérait encore le Bitcoin comme une escroquerie dénuée d’intérêt. Dans les mois suivants, le candidat a enchaîné les prises de parole favorables. Le candidat de 78 ans s’est aussi mis à accepter officiellement les dons en cryptomonnaies pour financer sa campagne, plusieurs années après le Parti républicain, qui qualifie le Bitcoin de « technologie innovante » depuis 2021.
Peu après, l’homme politique a choisi un partisan des cryptomonnaies en guise de potentiel vice-président, à savoir J.D. Vance, sénateur de l’État d’Ohio. Opposé à une régulation sévère des cryptomonnaies, le sénateur a publiquement admis détenir plusieurs centaines de milliers de dollars en devises numériques. C’est le tout premier candidat à la vice-présidence qui déclare officiellement détenir des bitcoins.
Ces prises de position publiques ont abouti à la conférence Bitcoin de Nashville de juillet 2024. Lors d’un discours historique, Donald Trump a confirmé ses intentions en matière de cryptomonnaies. Le milliardaire a surtout multiplié les promesses pour s’attirer les sympathies des défenseurs du Bitcoin. Il s’est notamment engagé à créer une « réserve stratégique nationale de bitcoins » en conservant les 210 000 bitcoins confisqués par le gouvernement fédéral.
« En seulement 15 ans, Bitcoin est passé d’une simple idée publiée anonymement sur un forum Internet à la neuvième place des actifs les plus précieux au monde. Vous y croyez ? N’est-ce pas formidable ?», a déclaré Donald Trump devant une foule de détenteurs de cryptos, estimant même
Dans le cadre de cette campagne de séduction, Donald Trump a aussi multiplié les mises en scène. Par exemple, il s’est affiché dans un bar new-yorkais dans lequel il est possible de régler ses consommations avec du Bitcoin. Devant les caméras, le septuagénaire a payé son hamburger avec le sourire avec des bitcoins par le biais de son smartphone.
Qu’est-ce qui a changé ?
En queques années, le Bitcoin est graduellement devenu un actif pris au sérieux par la finance traditionnelle. Au début de l’année, la cryptomonnaie a en effet fait une entrée fracassante à Wall Street. Les régulateurs financiers américains ont approuvé les premiers Exchange Traded fund (ETF) au comptant consacrés au Bitcoin en janvier, ouvrant la voie à une foule de nouveaux investisseurs. Les fonds indiciels ont rencontré un succés monstrueux, brassant des milliards de dollars toutes les semaines.
Dans ce contexte, le nombre de personnes détenant des cryptomonnaies est devenu conséquent. Selon une étude de la Réserve Fédérale des Etats-Unis, 20 millions de personnes détiennent des cryptomonnaies en 2023, soit 7 % de la population. Par ailleurs, prés de la moitié des investisseurs sont prêts à se rendre dans les urnes pour défendre un candidat pro-crypto, démontre une étude de Consensys et HarrisX. Bien décider à se réinstaller dans le bureau ovale, Trump ne peut pas négliger cette partie de l’électorat…auquelle aucun autre candidat n’a jamais osé s’adresser.
Quand Donald Trump s’est lancé dans une nouvelle course à la Maison-Blanche, le monde des cryptomonnaies s’était progressivement invité dans le débat public aux États-Unis. Néanmoins, de nombreux candidats républicains s’étaient déjà affichés en faveur des cryptoactifs.
C’est le cas de Cynthia Lummis, sénatrice originaire du Wyoming. Depuis des années, et bien avant Trump, elle plaide pour que les États-Unis s’ouvrent davantage à l’industrie des cryptomonnaies. Elle a d’ailleurs déposé une pléthore de propositions de lois pour que l’écosystéme dispose d’un cadre réglementaire clair, flexible et favorable. Ted Cruz, le sénateur du Texas, s’est lui-aussi publiquement rangé parmi les partisans du Bitcoin. En fait, Trump s’inscrit dans la lignée des positions affichées par plusieurs de ses pairs.
Trump, le nouvel homme fort de la crypto ?
Pour battre le camp démocrate, Donald Trump a voulu s’ériger comme le grand défenseur des cryptomonnaies aux États-Unis. Afin de consolider sa position, il s’est affiché en opposition à plusieurs figures clés du parti démocrate, farouchement opposées aux cryptodevises. Citons notamment la sénatrice Elizabeth Warren, qui a multiplié les projets de loi pour cadenasser et restreindre le champs d’action des géants de la crypto. Pour elle, le Bitcoin est succeptible de déstabiliser l’économie mondiale. Trump construit son argumentaire en réaction aux positions des démocrates.
« Donald Trump dénonce le durcissement de la régulation sur les cryptoactifs et il défend la blockchain avec ardeur », constate Antoine Fraysse-Soulier, responsable de l’analyse de marchés chez eToro.
Sous leur impulsion, les agences de régulation se sont lancées dans une vaste croisade contre les acteurs phares de l’industrie crypto, comme Coinbase, Kraken ou Binance. A contrario du gouvernement démocrate, Trump veut désormais atténuer la régulation et aider le secteur à se développer. En mai dernier, il assurait sur sa plateforme Truth Social être « très positif et ouvert d’esprit aux sociétés de cryptomonnaies et à toutes les choses relatives à cette nouvelle industrie en évolution » :
« Notre pays doit être leader sur ce terrain-là. Il n’y a pas de deuxième place ».
Pour marquer son opposition à la politique de régulation en vigueur aux États-Unis, Donald Trump s’est engagé à se débarrasser de Gary Gensler, l’homme à la tête de la Security and Exchange Commission (SEC), le gendarme de la Bourse américain, en cas de victoire. Le dirigeant de la SEC est un virulent opposant des cryptomonnaies. C’est d’ailleurs sous son égide que la régulation s’est nettement durcie sur le marché américain.
I just donated $1 million in bitcoin (15.47 BTC) to @realDonaldTrump and will be voting for him in November. Here’s why:
Over the past few years, the Biden Administration has openly declared war against crypto. It has weaponized multiple government agencies to bully, harass, and… pic.twitter.com/qOQSpmanBR
— Tyler Winklevoss (@tyler) June 20, 2024
Grâce à son revirement, Donald Trump a pu s’attirer les soutiens de plusieurs figures de proue de l’écosystème, à commencer par les frères Winklevoss. Les deux milliardaires, à l’origine de l’exchange Gemini, ont donné deux millions de dollars en Bitcoin au candidat du Parti républicain. Pour le duo, « le président Donald J. Trump incarne le choix pro-Bitcoin, pro-crypto et pro-business », et il n’y a « pas de place pour le doute à ce sujet ». Jesse Powell, le fondateur de l’exchange Kraken, un vétéran de l’industrie, a également décidé de soutenir le rival de Kamala Harris. Très apprécié par la communauté crypto, Powell a un don de 1 million de dollars à Donald Trump pour financer sa campagne présidentielle.
« Depuis trop longtemps, l’industrie crypto est attaquée par Elizabeth Warren, Gary Gensler et d’autres », a estimé Powell, ajoutant que « la Maison-Blanche de Biden est restée les bras croisés ».
https://x.com/jespow/status/1806569144294556146
Plus largement, le républicain est parvenu à séduire une partie de la Silicon Valley, dont Elon Musk, le controversé fondateur de Tesla, SpaceX et Starlink. L’homme le plus riche du monde s’est officiellement rallié à Donald Trump. Aux dires du propriétaire de X, une défaite de Donald Trump signifierait la fin de la démocratie aux États-Unis.
Une plateforme crypto pour gagner des électeurs
La stratégie de Donald Trump a abouti au lancement de World Liberty Financial par deux de ses fils, Eric et Donald Trump Jr. La plateforme de la finance décentralisée se présente comme un exchange classique, accompagné de son token dédié, le WLFI, et de services de prêt et d’emprunt de cryptos.
🚀 Exciting News! World Liberty Financial has officially published its vision for revolutionizing finance through a DeFi protocol built for mass adoption! 🌍🔗
Read it here: https://t.co/LWieZM6wiC
— WLFI (@worldlibertyfi) October 11, 2024
Pour séduire les détenteurs de Bitcoin, le clan Trump n’hésite pas à reprendre des thèmes et des éléments de langage propres au monde des cryptomonnaies. Par exemple, la communication relative au World Liberty Financial parle de mettre fin à la domination des banques et de liberté financière. C’est l’un des principes clés de la philosophie derrière le Bitcoin. En investissant dans le BTC, de nombreux investisseurs cherchent à reprendre le contrôle sur leur argent, en s’éloignant des banques. Le clan Trump surfe allégrement sur les valeurs et les idéologies au coeur du monde des cryptomonnaies.
« Il est temps de moderniser un système injuste et archaïque et de donner à chacun les mêmes opportunités que les élites se sont accaparées », déclare Donald Trump au sujet de World Liberty Financial, assurant que les banques sont « corrompues ».
La capitale mondiale du Bitcoin
Par ailleurs, le candidat a promis de faire des États-Unis la capitale mondiale du Bitcoin. Pour y parvenir, il prévoit de faire la promotion du minage sur le sol américain. Toujours très ambitieux, il affirme vouloir que tous les bitcoins restants soient minés dans des fermes de minages localisées aux États-Unis.
Au cours des dernières années, une grande partie du minage de BTC a d’ailleurs déja migré de la Chine vers les États-Unis, dans des régions plus accueillantes comme le Texas. De nombreux élus locaux, essentiellement républicains, se sont affichés en faveur des mineurs installés sur place. Donald Trump surfe sur une tendance de longue date.
Les Élections 2024, un moment décisif pour l’avenir des cryptos
En se saisissant du sujet brulant des cryptomonnaies, Donald Trump a profondément changé les choses et ancré le Bitcoin au cœur du débat public. Comme l’explique Antoine Fraysse-Soulier, « cette année, le scrutin présidentiel pourrait impacter la direction future de l’industrie des cryptos aux États-Unis pendant au moins quatre ans ». En fonction du parti qui prendra la tête du pays, l’écosystème pourrait évoluer dans une direction ou dans une autre.
C’est pourquoi de nombreux investisseurs s’attendent à ce qu’une éventuelle victoire de Donald Trump donne un grand coup de fouet au cours du Bitcoin. Pour beaucoup d’observateurs, le marché crypto pourrait enchaîner de nouveaux records si l’ancien président remet les pieds dans le bureau ovale. Sur les réseaux sociaux, les apprentis traders n’hésitent d’ailleurs pas à brandir la perspective d’un Bitcoin au-delà des 100 000 dollars dans les mois à venir… si Trump l’emporte sur Kamala Harris.
La perspective d’un nouveau marché haussier pourrait convaincre une partie des partisans du Bitcoin à se rallier au camp de Donald Trump. Pour l’investisseur Arthur Hayes, cofondateur de BitMEX, les enthousiastes de la crypto ne devraient cependant pas céder aux sirènes du 45ᵉ président des États-Unis :
« Quelques milliers d’électeurs seront décisifs pour l’élection présidentielle américaine dans des États clés comme le Michigan, la Pennsylvanie et la Floride. Séduire la communauté des passionnés de cryptomonnaies, jeune, politiquement active et récemment enrichie, pourrait faire basculer l’élection en faveur de Trump. C’est pourquoi il soigne son image de défenseur des cryptos. […] Trump est un politicien astucieux. Il dira n’importe quoi à celui qui doit le réélire ».
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