Jordan Bardella boulotte des bonbons. Jordan Bardella confesse sa flemme de repasser ses costumes. Jordan Bardella joue à la PlayStation 4. Jordan Bardella discute des bienfaits des vins rosés sans sulfites. Jordan Bardella caresse un lapin… Publiées sur le compte TikTok du président du Rassemblement national (RN), ces séquences sont toutes anodines. Mais toutes connaissent un grand succès : comptez 4,5 millions de vues, près de 380 000 likes et plus de 8 000 commentaires en vingt-quatre heures, par exemple, pour une vidéo dans laquelle le successeur de Marine Le Pen réclame une pomme, puis la déguste.
Si certains lui tiennent encore tête au classement des personnalités politiques françaises les plus suivies sur la plate-forme chinoise, comme Emmanuel Macron (4,6 millions d’abonnés) ou Jean-Luc Mélenchon (2,4 millions), le président du RN (1,9 million) a néanmoins connu une ascension éclair. Au point que des commentateurs s’interrogent : celui qui aspire à devenir premier ministre a-t-il pu tricher pour obtenir une telle visibilité ?
Soupçons de manipulations
Dans un reportage du magazine « C dans l’air », diffusé le 2 juillet sur France 5, le communicant Philippe Moreau-Chevrolet estime ainsi que la croissance fulgurante du nombre de vues réalisées par Jordan Bardella depuis le mois de mars, bien supérieure à ce qu’il a pu connaître les mois précédents, ne peut « en aucun cas être naturelle ». Et d’avancer l’hypothèse d’un emploi par le RN de comptes automatisés (« bots ») ou de « campagnes de nature publicitaire » pour expliquer ce soudain engouement.
L’explication n’est pas saugrenue. Par le passé, d’autres partis ont déjà fait appel à ce genre de stratégie (baptisée « astroturfing ») pour gonfler, à l’aide de faux comptes, leur exposition en ligne. C’est le cas par exemple de Reconquête !, le parti d’Eric Zemmour, sur Twitter, lors de la présidentielle de 2022, comme l’avait démontré une enquête du Monde. De façon générale, TikTok, comme tous les réseaux sociaux, est régulièrement la cible d’opérations de manipulation, en témoigne la page sur laquelle la plate-forme recense les campagnes qu’elle est parvenue à entraver.
En ce qui concerne la tête de file du RN, TikTok réfute cependant toute tentative de supercherie. « Aucune activité suspecte n’a été identifiée autour du compte de Jordan Bardella, tant au niveau de l’augmentation du nombre d’abonnés que de l’engagement », affirme au Monde un porte-parole de l’entreprise. Celle-ci rappelle par ailleurs que le réseau social interdit, « partout dans le monde », les publicités politiques (ce que la loi française proscrit aussi pendant les campagnes électorales).
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