Comment fonctionne Mastodon, présenté comme alternative « libre » à Twitter ?

Comment fonctionne Mastodon, présenté comme alternative « libre » à Twitter ?


Le rachat de Twitter, fin octobre, par le milliardaire sud-africano-canado-américain Elon Musk et ses premières annonces concernant l’administration du réseau social ont poussé de nombreux utilisateurs à considérer des alternatives. Le nom de Mastodon revient souvent : l’interface et le fonctionnement du réseau sont en apparence assez similaires à Twitter. Et l’exode, encore relatif, se traduit pourtant en chiffres : au 22 octobre, soit quelques jours avant l’annonce du rachat de Twitter, le réseau social comptait 4,5 millions de comptes utilisateurs. Le créateur de Mastodon, Eugen Rochko, a annoncé lundi 7 novembre que plus de 487 000 nouveaux utilisateurs avaient rejoint la plate-forme depuis le 27 octobre, portant le nombre total de « mastonautes » actifs au cours du dernier mois à plus d’1 million, pour un total d’environ 6,3 millions de comptes sur la plate-forme. Un chiffre qui reste dérisoire face aux 395 millions de comptes revendiqués par Twitter.

  • Mastodon, qu’est-ce que c’est ?

Mastodon est un réseau social de microblogging créé en 2016. Les utilisateurs peuvent y poster des messages faisant jusqu’à 500 caractères, et retrouver de nombreuses fonctionnalités proposées par Twitter, comme la possibilité de s’abonner aux publications d’autres comptes, mais aussi le partage de messages.

Si Mastodon se différencie de Twitter, c’est par sa philosophie. Le code source de Mastodon est ainsi libre et « open source » : n’importe qui peut le consulter et le modifier. On peut accéder à Mastodon par les applications officielles ou des clients tiers pour mobile ou ordinateur.

Le réseau a également choisi une organisation décentralisée : contrairement à Twitter ou tous les utilisateurs utilisent les serveurs de l’entreprise, on choisit au moment de s’inscrire une instance (ou serveur) parmi plusieurs milliers en fonction de ses affinités ou de critères géographiques. Chacune est administrée par un groupe ou une personne différente. Elles communiquent cependant pour la plupart entre elles. En termes plus imagés, si Twitter est un continent, Mastodon est un archipel.

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  • Qui est derrière Mastodon ?

Le créateur de Mastodon est Eugen Rochko, un développeur allemand de 29 ans fan du groupe de métal éponyme. Interrogé par Time, il explique avoir voulu créer un moyen de s’exprimer sur Internet qui ne soit pas aux mains d’une grande entreprise comme Twitter. Eugen Rochko est lui-même l’administrateur d’une des instances les plus populaires du réseau, Mastodon. social, mais n’importe qui peut ouvrir sa propre instance et décider de ses règles de modération.

  • Quelles différences avec Twitter ?

Twitter a deux options d’affichage de son fil d’actualité : un affichage antéchronologique qui se contente d’afficher les tweets des comptes auxquels l’utilisateur est abonné au fur et à mesure de leur publication, et un affichage pondéré par un algorithme. Mastodon en a de son côté trois : le flux classique avec les publications des comptes auquel l’utilisateur est abonné, mais aussi un fil local qui affiche les publications des autres utilisateurs de l’instance et enfin un fil global, présentant l’ensemble des messages publics échangés sur la quasi-intégralité des instances Mastodon.

Outre cette différence fondamentale, Mastodon ne dispose pas des fonctionnalités type « spaces » (discussions vocales) lancées par Twitter, ou ne permet pas de citer un tweet d’un autre utilisateur. Les messages directs entre les utilisateurs ne fonctionnent pas non plus de la même manière, et se rapprochent en réalité davantage de la fonctionnalité « compte privé » de Twitter.

A l’inverse, Mastodon propose déjà des fonctionnalités attendues depuis longtemps sur Twitter, comme la possibilité de modifier un de ses messages a posteriori.

  • Quid de la modération ?

L’architecture décentralisée de Mastodon s’applique également à sa modération. Chaque instance décide de ses propres règles. Certains serveurs peuvent ainsi choisir d’autoriser les contenus pour adultes, tandis que d’autres préfèrent les bannir complètement. Et c’est à l’administrateur de l’instance que revient le rôle d’appliquer cette modération, en personne ou en choisissant une équipe de modérateurs qui peuvent se charger de faire appliquer les règles.

Pour faire fonctionner cet écosystème à plus grande échelle, les administrateurs peuvent également choisir de ne pas se connecter à d’autres instances, parce qu’ils les jugent problématiques ou simplement parce qu’ils préfèrent réserver leur instance à un usage privé. Par exemple, l’instance administrée par Eugen Rochko bloque la consultation de contenus partagés sur les instances d’extrême droite.

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  • De quoi faut-il se méfier ?

Le secret des correspondances n’est pas total sur Mastodon : même en réduisant la visibilité d’une conversation à son seul interlocuteur direct, il suffit qu’une tierce personne y soit mentionnée pour que celle-ci puisse aussi y avoir accès.

Mastodon ne permet pas non plus d’authentifier l’identité d’un utilisateur à l’aide d’une fonctionnalité type « puce bleue » comme (du moins jusqu’à présent) sur Twitter. Deux mastonautes inscrits sur deux instances différentes peuvent même techniquement utiliser le même pseudonyme, la seule différence étant alors le nom du serveur accolé au compte. Un autre choix technique qui découle de l’organisation du réseau, mais qui ouvre la voie à de possibles vols d’identités et faux comptes.

L’architecture décentralisée de Mastodon offre également un grand pouvoir aux administrateurs des différentes instances, pouvoir qui, sur Twitter, est le monopole de la seule entreprise. Avec un peu de bricolage technique, ceux-ci peuvent ainsi consulter les messages privés des utilisateurs, les versions hachées de leurs mots de passe, ou encore effacer/modifier les publications d’un utilisateur qui leur déplaît – voire le bloquer complètement.

Mieux vaut donc avoir confiance en l’administrateur de son instance (ou monter la sienne).

  • C’est quoi le « Fediverse » ?

Mastodon n’est que la partie la plus visible d’un ensemble de réseaux sociaux basés sur des logiciels libres, généralement désignée sous le terme de « Fediverse » (contraction des mots anglais federation et universe).

Initié en 2008 par le service GNU social du réseau Identi.ca et facilité par l’apparition en 2018 du protocole Web ActivityPub, le principe du Fediverse est de permettre à plusieurs réseaux sociaux de communiquer entre eux. Par exemple, on peut, en quelques clics suivre, depuis Mastodon, les publications d’une chaîne PeerTube, alternative libre à YouTube.

C’est également cette technologie qu’exploitent les réseaux sociaux d’extrême droite Gab et Truth Social : techniquement, ceux-ci font également partie du Fediverse mais dans les faits, de nombreux administrateurs d’instances et développeurs ont choisi de bloquer la connexion à ces réseaux. Le sujet a provoqué de nombreux débats au sein de la communauté.

  • Est-ce que Mastodon va remplacer Twitter ?

Certains posaient déjà la question en 2017, lors du premier exode d’utilisateurs de Twitter vers Mastodon – exode au succès alors relatif. Une question à laquelle aucune boule de cristal ne permet de répondre. Malgré leurs similitudes, les deux réseaux sont difficiles à comparer : les ministres et les grandes entreprises n’ont par exemple aucun intérêt à ne plus publier qu’aux 6,3 millions d’utilisateurs de Mastodon quand 395 millions de comptes Twitter leur tendent les bras.

On peut cependant constater que six ans après sa création, le réseau fonctionne toujours et continue d’accueillir les internautes. Pour ceux qui ne veulent pas subir les sautes d’humeur du nouveau PDG de Twitter et qui ne craignent pas de revenir à une communauté plus restreinte, Mastodon peut constituer une alternative intéressante.

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