Pendant des années, Maxime M. a reçu des mails non sollicités de la part du club de football de Puteaux (Hauts-de-Seine), et ce malgré ses nombreuses réclamations. Des spams pas si anodins : un jour, ce designer d’interfaces dans le jeu vidéo et dessinateur de BD découvre, dans sa boîte mail, des billets d’avion à son nom pour un aller-retour à Barcelone. D’abord inquiet de s’être fait pirater sa carte bancaire, il prend conscience que les coordonnées ne sont pas les siennes, et donc probablement celles de son homonyme fan de foot. « Je l’ai appelé et j’ai dit “Bonjour Maxime M., c’est Maxime M.” Au début, il n’a pas eu l’air de trop comprendre, s’amuse-t-il. Je lui ai expliqué la situation, parlé des nombreux mails que je recevais. »
Sa mésaventure, qui laisse entrevoir de gros problèmes de sécurité des données, est loin d’être rare. Elle tombe en général sur celui ou celle qui possède l’e-mail le plus simple, du type « prenom.nom@ », et qui devient récipiendaire de toutes les erreurs de graphie dues à la présence de chiffres ou de caractères spéciaux dans les adresses électroniques de ceux qui ont le même état civil. Dès lors, la variété des courriels reçus par ces usurpateurs malgré eux est sans limite : ouverture de compte EDF, résultats de tests Covid, avis de virement, réservation de camping, factures non payées, rendez-vous Doctolib, abonnement à Netflix, planning pour les pompiers volontaires, organisation d’anniversaire surprise, partages de fichiers, courriels de la copropriété, mais aussi photos plus ou moins osées ou commandes de lingerie fine juste avant la Saint-Valentin…
Les patronymes les plus courants multiplient les risques de voir leur boîte mail noyée par ces messages mal aiguillés. Romain V., webmaster au nom très répandu, installé en Normandie, a créé son adresse Gmail en 2004, et estime qu’il est depuis « l’entonnoir des Romain V. sur Gmail en France ». Il suppose que ces erreurs concernent trois ou quatre personnes différentes. « Finalement, malgré des mails assez spécifiques, ces homonymes n’ont pas grand-chose à voir entre eux », analyse-t-il. « Ils ne sont pas du tout issus des mêmes classes sociales : je reçois des annonces [de] Pôle emploi pour des boulots [de] régisseur de camping ou [d’]agent de maintenance, mais aussi des réservations de chambre Novotel et même une facture pour des grands vins. » En découle un travail de secrétariat non négligeable. « Au départ, je répondais en expliquant que ce n’était pas la bonne personne, je me suis même retrouvé à appeler les expéditeurs en leur priant de bien vouloir demander à ce Romain V. de ne plus utiliser cette adresse. » Avec peu de succès. C’est le jour où il a reçu tout le dossier Verisure (alarme et télésurveillance) d’un de ses homonymes que Romain V. s’est décidé à cesser d’utiliser cette boîte et à en ouvrir une autre.
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