L’homme aux rênes de Nvidia, le premier fabricant mondial de puces électroniques, a critiqué les restrictions américaines aux exportations de semi-conducteurs en Chine. Elles auraient fait perdre à Nvidia sa position dominante sur le marché chinois. En quatre ans, la part de marché de l’entreprise américaine en Chine est passée de 95 % à 50 %, selon Nvidia.
« Dans l’ensemble, le contrôle des exportations (ces règles qui limitent la vente de semi-conducteurs à la Chine, NDLR) a été un échec » : Jensen Huang, à la tête de Nvidia, le leader mondial des puces électroniques, ces composants indispensables aux voitures, aux ordinateurs et aux outils d’IA, a fustigé ce mercredi 21 mai les restrictions américaines qui visent la Chine. Pour le dirigeant du fabricant américain, les contrôles aux exportations, censés asphyxier les entreprises chinoises et couper l’approvisionnement de ses composants de voitures, d’ordinateurs et d’outils d’intelligence artificielle (IA) dans le pays, ont eu un effet inverse. Ces règles ont au contraire accéléré les progrès de ses concurrents chinois dans le secteur de l’IA, rapporte le Financial Times, ce mercredi.
Non seulement ces règles ont contraint Nvidia à renoncer à sa position dominante en Chine, mais en plus, des entreprises comme Huawei, le géant chinois des télécommunications, ont comblé le vide, a regretté le dirigeant.
À lire aussi : Nouvelles usines, investissements tous azimut : comment Huawei bâtit son empire des semi-conducteurs en Chine
Ses critiques, émises lors d’une conférence de presse au salon technologique Computex à Taipei (Taïwan), ont particulièrement visé la décision de Washington d’interdire un produit de Nvidia conçu spécifiquement pour le marché chinois : les puces H20. Ce semi-conducteur avait été modifié pour répondre aux exigences américaines : Nvidia l’avait rendu moins puissant afin qu’il tombe en dessous des seuils de performance fixés par Washington.
Mais en avril dernier, l’administration de Donald Trump avait durci le ton, en interdisant à Nvidia de vendre cette puce en Chine – de quoi entraîner une perte de 5,5 milliards de dollars à Nvidia, selon cette dernière.
À lire aussi : Donald Trump resserre l’étau sur les semi-conducteurs… un pari risqué pour l’économie américaine
Pour le dirigeant de Nvidia, les restrictions US ont accéléré le développement des alternatives chinoises
Et cette fois, l’entreprise ne lancera pas un autre produit spécifique au marché chinois. « Notre concurrence est intense en Chine. Il y a quatre ans, au début de l’administration Biden, Nvidia détenait 95 % des parts de marché (dans le pays, NDLR). Aujourd’hui, elle n’en détient plus que 50 %. Le reste, c’est de la technologie chinoise », a-t-il regretté, avant d’ajouter : « Les entreprises locales sont très déterminées, les contrôles à l’exportation leur ont donné l’impulsion nécessaire, et le soutien du gouvernement a accéléré leur développement », a-t-il déploré.
Depuis le début des restrictions aux exportations d’octobre 2022, les autorités chinoises ont demandé aux entreprises locales d’acheter des puces fabriquées dans le pays. Elles ont aussi investi des millions dans plusieurs champions du secteur.
À lire aussi : Atteindre 20 % du marché mondial des semi-conducteurs d’ici 2030 ? L’objectif de l’UE est « déconnecté de la réalité »
Jensen Huang a profité de la conférence de presse pour critiquer la dernière restriction aux exportations décidée par Joe Biden en janvier dernier : l’ancien président américain avait, avant de quitter la Maison Blanche, créé un système d’autorisation à trois niveaux pour les puces électroniques destinées à l’intelligence artificielle. Son objectif était alors de garantir que la Chine n’accède pas à la technologie américaine par l’intermédiaire de pays tiers.
À lire aussi : Guerre des semi-conducteurs : Joe Biden porte un dernier coup à l’industrie IA chinoise
« Si les États-Unis veulent rester en tête, nous devons maximiser et accélérer notre diffusion, et non la limiter »
« Les hypothèses fondamentales qui ont conduit au début à la règle de diffusion de l’IA se sont avérées fondamentalement erronées. Si les États-Unis veulent rester en tête, nous devons maximiser et accélérer notre diffusion, et non la limiter », a déclaré Jensen Huang. D’autant que « les chercheurs en IA poursuivent leurs travaux en Chine. Or, s’ils n’ont pas assez de Nvidia, ils utiliseront leurs propres puces », a-t-il prévenu.
Nvidia n’est pas la seule entreprise à critiquer la dernière limite aux exportations de Joe Biden. Deux mois plus tôt, Microsoft demandait à Donald Trump d’assouplir les restrictions aux exportations des puces d’intelligence artificielle qui s’appliquent aux « alliés et amis » des États-Unis, dont des pays européens. Ces dernières restrictions pourraient, selon Microsoft, pousser ses principaux partenaires à se tourner vers des alternatives chinoises.
À lire aussi : Microsoft demande à Trump plus de souplesse sur les semi-conducteurs pour les alliés des USA
Et si Donald Trump a prévu d’annuler la dernière restriction de Joe Biden, on ne sait pas encore quand – et comment – les futures règles seront finalisées. Quelques jours plus tôt, Washington a demandé aux entreprises américaines de ne pas s’approvisionner en puces fabriquées en Chine, comme les processeurs Ascend de Huawei. Lundi 19 mai, le ministère chinois du Commerce avait regretté cette recommandation, appelant l’administration américaine à mettre fin à ses pratiques « discriminatoires ».
À lire aussi : La Chine suspend ses exportations de terres rares : l’industrie mondiale de l’automobile et de la défense retient son souffle
Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.