L’application Strava compromet la confidentialité des patrouilles des sous-marins nucléaires français. Utilisée par des militaires de la base ultra-secrète de l’île Longue, l’app de running permet de deviner le départ des submersibles. Ces fuites proviennent des montres connectées des sous-mariniers et compromettent la stratégie de dissuasion nucléaire de la France.
En enquête du Monde révèle que Strava, la célèbre application de running, permet de suivre les déplacements des militaires travaillant sur des sous-marins nucléaires français lanceurs d’engins (SNLE). Ils sont conçus pour emporter et lancer des missiles balistiques à ogives nucléaires en toute discrétion. Ces submersibles sont taillés pour disparaître dans l’océan, à l’insu des puissances étrangères. Ils jouent un rôle central dans la dissuasion nucléaire, la stratégie militaire visant à prévenir tout conflit en dissuadant un adversaire de lancer une attaque.
Selon les investigations menées par nos confrères, certains des militaires de la base française de l’île de Longue, dans le Finistère, se servent de l’application pour partager leurs prouesses sportives par le biais d’un profil public. Ceux-ci travaillent pourtant au sein d’une véritable « forteresse sécuritaire », relate le Monde, considérée comme la base la plus secrète de la marine française. Elle abrite quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, tous capables de lancer 16 missiles nucléaires.
À lire aussi : L’application Strava interdit à ses utilisateurs d’exporter leurs données
Un fonctionnement confidentiel éventé
En dépit des mesures de sécurité prises par la marine, ces militaires ont pris l’habitude de partager leurs séances de courses le long des quais en accès libre sur Strava. L’application montre que les utilisateurs sont localisés sur l’île de Longue. Ces données permettent de comprendre le fonctionnement des patrouilles réalisées par les sous-marins, qui sont évidemment confidentielles.
Par exemple, un sous-marin parti en patrouille va priver son équipage de connexion Internet. Les militaires ne seront pas concernés par les mises à jour quotidiennes de Strava. Une fois de retour, ils seront à nouveau visibles sur l’application, ce qui permet de comprendre qu’ils se retrouvent depuis plusieurs semaines au sein d’un sous-marin en patrouille. Si plusieurs sous-mariniers s’entraînent régulièrement près des quais sur lesquels sont stationnés les sous-marins et cessent soudainement leurs séances, cela peut indiquer leur départ en mission. De fil en aiguille, il est possible de deviner la fréquence et les déplacements des patrouilles.
Par ailleurs, certains des militaires férus de Strava sont identifiables sur la plateforme. Il est en effet aisé de remonter jusqu’à l’identité d’un sous-marinier en consultant les profils publics sur l’application. La plupart des individus épinglés se servent de leur vrai nom, et non d’un pseudonyme.
À lire aussi : Que vaut l’IA de Strava – notre avis après 5 mois de test
Le problème des montres connectées
Pour éviter ce type de fuites, la marine a cependant interdit les smartphones dans une grande partie de la base. Ceux-ci « doivent être remisés dans des casiers spécifiques aux multiples points de contrôle », explique l’enquête. Malheureusement, certains militaires se servent d’une montre connectée pour enregistrer leurs séances et les partager sur Strava. Ces accessoires échappent au règlement en vigueur sur la base.
Elles enregistrent les données, même sans smartphone ni la moindre connexion Internet, et synchronisent ensuite le profil Strava des militaires. C’est pourquoi elles compromettent des informations potentiellement sensibles. Selon les enquêteurs, plus de 450 militaires ont fait l’erreur de partager des données de localisation sur Strava en l’espace de dix ans. Ils contreviennent aux recommandations formulées par guide sur l’utilisation des réseaux sociaux à l’intention des militaires, publié par la Délégation à l’information et la communication de la Défense en 2018. Ce guide demande aux militaires de désactiver la fonction de localisation de tous leurs appareils.
Des « négligences » dans la marine
Contactée par le Monde, la Marine nationale reconnait des « négligences » au sein de ses rangs. Malgré tout, les activités réalisées depuis la base de l’Île-Longue ne sont pas compromises, estime la marine.
C’est déjà la deuxième fois que l’application de running compromet des informations sensibles liées à la sécurité nationale de la France. L’automne dernier, une enquête du Monde avait déjà révélé qu’il était possible de suivre les déplacements d’Emmanuel Macron par le biais de Strava. Les gardes du corps du président avaient en effet pris la fâcheuse habitude de partager leurs séances de courses à pied sur la plateforme, qui se présente comme le « réseau social des sportifs ».
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.
Source :
Le Monde