Le fondateur de Free a tenté une manœuvre audacieuse pour prendre le contrôle de Proximus. Récit d’une offre secrète, qualifiée de « hold-up » par le gouvernement belge.
C’est une histoire qui mêle haute finance, manœuvres politiques et déclarations fracassantes sur les réseaux sociaux. Au printemps dernier, le milliardaire français Xavier Niel a tenté un coup d’éclat : prendre les rênes de Proximus, l’opérateur historique belge. Une offre secrète a été présentée au gouvernement belge, tout juste formé. La réponse ? Une fin de non-recevoir cinglante, la manœuvre étant même qualifiée en coulisses de « jolie manière d’essayer de réaliser un hold-up ».
Devenu deuxième actionnaire de Proximus en novembre 2023 avec un peu plus de 6 % du capital, le fondateur de Free n’est pas du genre à rester un investisseur dormant. Connu pour avoir dynamité le marché français des télécoms avec ses offres à bas prix, son ambition pour la Belgique était claire : répliquer le séisme.
Un pacte audacieux pour « recalibrer » Proximus
Le plan de Xavier Niel, révélé par le journal L’Écho, consistait à proposer un pacte d’actionnaires avec l’État belge, qui détient encore 53,5 % de l’opérateur via son bras financier, la SFPIM.
Le montage comprenait que l’État restait majoritaire, avec au moins 50 % des parts plus une action, et que la gouvernance soit partagée. Concrètement, la présidence du conseil d’administration revenait à l’État, mais le poste stratégique de CEO (directeur général) était désigné par le clan Niel. Enfin, Xavier Niel s’engageait à « recalibrer » l’entreprise en se concentrant sur le déploiement de la fibre et de la 5G, à réduire drastiquement les coûts et à mettre en place une politique de dividendes très généreuse.
En clair, il proposait de prendre le contrôle opérationnel tout en laissant à l’État un contrôle capitalistique de façade.
Une fin de non-recevoir : pourquoi la Belgique a dit non
La proposition a été plutôt froidement accueillie à Bruxelles. Le gouvernement a rapidement conclu que la période, marquée par des cours de bourse très bas, n’était pas propice à la vente de ses participations, notamment dans Proximus.
Mais au-delà de l’aspect financier, c’est la nature même du « deal » qui a fait tiquer. L’idée de confier les clés de l’opérateur national à un acteur étranger, réputé pour ses méthodes disruptives, a été perçue comme une tentative de prise de contrôle déguisée. D’autant plus que, selon un fin connaisseur du dossier, une partie de la coalition au pouvoir n’est « pas très envie de voir une autre grande entreprise passer sous contrôle français ».
Un marché belge qui attend son « effet Free »
Cette tentative de rachat s’inscrit dans un contexte bien particulier : celui des prix des télécoms en Belgique, considérés comme parmi les plus élevés d’Europe. Alors qu’en France, les offres fibre à plus d’1 Gbit/s pour moins de 30 euros sont monnaie courante, les Belges paient souvent bien plus cher pour des débits inférieurs.
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Interpellé sur X (ex-Twitter) par un internaute se plaignant de cette situation, Xavier Niel a confirmé ses intentions avec le franc-parler qu’on lui connaît :
« Moi je suis chaud, c’est votre gouvernement qui veut pas »
Une déclaration qui met la pression sur les autorités belges et alimente le débat sur le manque de concurrence dans le pays.
La partie n’est peut-être pas terminée
Même si son offre a été balayée, Xavier Niel n’a probablement pas dit son dernier mot. En restant le deuxième actionnaire de Proximus, il conserve une position stratégique. Certains observateurs estiment qu’il pourrait chercher à augmenter discrètement sa participation, attendant le moment opportun pour revenir à la charge.
L’État belge, de son côté, reste sur ses gardes. Le bras de fer entre le « pirate » des télécoms français et le plat pays ne fait peut-être que commencer.
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