A l’entrée de la Maison de protection des familles (MPF) de Bois-d’Arcy, dans les Yvelines, on est accueilli par une dînette, des peluches et du matériel de coloriage. De quoi adoucir le passage des jeunes enfants victimes de violences graves qu’accueille cette structure de la gendarmerie.
Plus loin dans les couloirs de ce petit bâtiment en brique à l’intérieur flambant neuf, on trouve une tablette numérique un peu particulière. Elle permet de détecter en quelques minutes si un téléphone, une autre tablette ou un ordinateur portable a été infecté par un logiciel malveillant connu.
La MPF, où opèrent gendarmes et intervenantes sociales, prend en charge des publics fragiles variés, des seniors aux jeunes enfants en passant par les personnes en situation de handicap ou des victimes de violences intrafamiliales. C’est surtout pour ces dernières que cette tablette est utilisée au sein de la MPF. Ce dispositif, appelé DULE (pour « détecter un logiciel espion ») a été déployé dans une dizaine d’unités de la gendarmerie du département. Une expérimentation unique en France.
Régulièrement, les femmes accueillies au sein de la MPF racontent leur impression d’être suivies et l’apparente omniscience de leur conjoint capable de dire où elles se trouvent, ce qu’elles font, qui elles voient. Jusqu’ici, il était difficile de vérifier la présence sur leur téléphone ou leur ordinateur d’un des logiciels espions bas de gamme, vendu explicitement pour surveiller son conjoint et qui pullulent sur Internet. Et pour cause : il fallait diligenter une expertise judiciaire du téléphone. Long, complexe et incertain.
Le « chaînon manquant »
Ce type de logiciel constitue « le chaînon manquant » dans l’arsenal déployé au sein de la MPF, explique l’adjudante-cheffe Virginie Redureau, numéro deux de la structure. La procédure – que Le Monde a pu expérimenter – est très simple : en deux clics sur la tablette, celle-ci génère un réseau Wi-Fi auquel il suffit de se connecter. Toutes les communications du téléphone seront ainsi scrutées pour vérifier la présence d’une trace suspecte.
Sur la tablette, une suite d’opérations à effectuer sur son téléphone s’affiche ensuite. Le but est de provoquer des comportements susceptibles d’intéresser un éventuel logiciel espion : ouvrir sa boîte e-mail, envoyer un SMS, prendre une photo… En quelques minutes à peine, le résultat tombe (ici, négatif). Aucune donnée n’est conservée, les gendarmes n’ont même pas eu à manipuler mon téléphone.
La plupart du temps, le résultat est négatif et « les personnes sont soulagées », selon l’adjudante-cheffe. Mais, si la sensation d’espionnage persiste, les gendarmes vont ensuite tenter d’explorer d’autres canaux d’emprise numérique, comme le partage (parfois forcé) du mot de passe. Du reste, même si DULE est un bon moyen de lever les soupçons, il ne garantit cependant pas une détection exhaustive.
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