Dès le début de ses études, en mathématiques puis en informatique, elle s’est retrouvée dans un milieu d’hommes. « A l’Institut technologique de Karlsruhe, neuf étudiants sur dix étaient des garçons, mais je n’ai pas le souvenir que cela ait été l’horreur, dit Cordelia Schmid. C’était comme ça. »
La chercheuse allemande, aujourd’hui âgée de 56 ans, a vite su se faire respecter et est devenue une référence dans le domaine de la reconnaissance visuelle par ordinateur. Sa thèse sur le sujet, soutenue en 1996 à l’Institut polytechnique de Grenoble, a marqué un véritable tournant. Un quart de siècle plus tard, elle est toujours aux avant-postes de cette thématique, partageant son temps entre la recherche académique et Google.
Cordelia Schmid ne court pas après les projecteurs – en cinq années de présence sur Twitter, devenu X, elle n’a tweeté que 37 fois –, mais elle s’est retrouvée sur le devant de la scène, le 8 septembre à Hambourg, pour la remise de l’un des prix scientifiques les mieux dotés, avec 1 million d’euros, le prix Körber pour la science européenne. Huit lauréats de cette distinction, attribuée depuis 1985 à l’auteur « d’une percée dans les sciences physiques et de la vie », ont ensuite été couronnés d’un Nobel.
Revenons à ses débuts. Lorsque Cordelia Schmid s’y penche pour la première fois, le domaine de la reconnaissance des objets par ordinateur se borne à identifier des formes géométriques sur un fond uni. « Même pour localiser les points d’un cube avec un ordinateur, c’était difficile, raconte-t-elle. Je voulais comprendre pourquoi, alors qu’un humain peut regarder ce qu’il y a dans l’image, l’ordinateur, lui, n’y arrivait pas. » La jeune chercheuse s’est intéressée à l’analyse des niveaux de gris à l’intérieur de l’objet, et non à son contour. Autrement dit aux pixels, dont l’échelle de niveau de gris va de 0 à 255.
Le recours à l’apprentissage profond
« Son directeur de thèse, Roger Mohr, m’avait demandé d’être dans son jury en me disant que son travail était vraiment original », se souvient Jean Ponce, professeur d’informatique à l’Ecole normale supérieure-PSL (ENS-PSL) et contributeur régulier au Monde. L’ordinateur a alors pu, par exemple, identifier le dinosaure au milieu d’une forêt sur une peinture.
L’encre de sa thèse à peine sèche, elle se voit proposer un poste par l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) dans son centre de la capitale iséroise. « Cela ne se fait plus maintenant, mais ça m’a permis tout de suite de développer ma propre activité », se rappelle-t-elle.
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