« J’ai commencé à utiliser ChatGPT en janvier, raconte Pierre, chargé de communication dans une PME de services administratifs, à propos du désormais célèbre robot conversationnel lancé en novembre 2022 par la société OpenAI. Au début, les résultats n’étaient guère probants, mais en me perfectionnant grâce à des vidéos YouTube, j’ai réussi à automatiser environ de 30 % à 40 % de ma charge de travail, qui consiste à écrire des articles et des billets sur les réseaux sociaux. » L’auteur de ce témoignage, recueilli dans un appel lancé sur Lemonde.fr, est enthousiaste… mais ne souhaite pas que son nom apparaisse, car le patron de sa PME « a beaucoup de mal à considérer l’utilisation des intelligences artificielles [IA] comme du travail réel ».
La vogue des IA dites génératives – capables de créer, à partir d’une simple instruction écrite, du texte, comme ChatGPT, ou des photos ultraréalistes, comme Midjourney – commence à toucher les entreprises. « Aujourd’hui, tous les créatifs de notre agence jouent avec ces logiciels. Et particulièrement les moins de 35 ans », raconte Bertille Toledano, présidente de l’agence de publicité BETC et coprésidente de l’Association des agences-conseils en communication (AACC). Mais, au-delà des premiers convertis technophiles, ces outils vont-ils bouleverser le monde du travail ? Ou rejoindront-ils la liste des nouveautés ayant fait l’objet d’un emballement exagéré avant de décevoir, comme le métavers ou le casque de réalité virtuelle ?
« Les intelligences artificielles génératives ont un effet sur des métiers qui semblaient à l’abri de l’automatisation, en particulier dans le tertiaire », décrypte le sociologue Yann Ferguson, enseignant-chercheur à l’Institut catholique d’arts et métiers de Toulouse et responsable scientifique de LaborIA, un programme d’analyse des impacts de l’IA sur le travail lancé en 2021 par le gouvernement et l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique. Dans les entreprises, dans la banque d’affaires Morgan Stanley ou la plate-forme d’e-commerce Cdiscount, des premiers déploiements ont déjà lieu. Et les géants du numérique – Microsoft, Google, Amazon ou Meta – poussent ces technologies.
« Les entreprises sont plutôt convaincues, mais elles se posent aussi des questions », constate Laurent Daudet, cofondateur de LightOn, un éditeur français de grands modèles de traitement du langage, les moteurs sur lesquels s’appuient les interfaces comme ChatGPT. Quel sera vraiment l’apport de l’IA générative ? Quels sont les risques ? Un sondage JobTeaser-Kantar de février résume l’ambivalence des sentiments face à cette technologie : une majorité des actifs entre 18 et 27 ans considéreraient qu’elle libérera du temps de travail ou créera des nouveaux emplois… mais 61 % craignent aussi un impact sur leur carrière.
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