En octobre 2020, au cœur de la pandémie de Covid-19, une dizaine de personnes masquées regarde avec attention une boîte posée sur une table imposante, devant une gigantesque baie vitrée ouvrant sur le jardin d’une maison américaine. La plupart sont experts en investissements, notamment en cryptomonnaies, ils s’apprêtent à ouvrir leur dernier achat : un carton plastifié censé contenir des boosters (sachets) de cartes Pokémon de première édition, celle de 1999 aux Etats-Unis. Une rareté, achetée à un autre investisseur pour près de 400 000 dollars (361 380 euros), et qui pourrait rapporter davantage encore.
Après avoir passé une demi-heure à examiner l’extérieur de la boîte en direct sur la chaîne YouTube Dumb Money et commenté les détails prouvant, selon eux, son authenticité, les participants retirent le film en plastique avec nervosité et ouvrent la boîte qu’ils ont si peur d’abîmer. La jubilation laisse vite la place à la déception : devant les caméras, les investisseurs comprennent qu’elle est un « reseal », c’est-à-dire un coffret contenant des sachets de différentes origines, refermé et réemballé pour faire croire qu’il s’agit d’un original.
L’histoire, racontée à l’époque par The Guardian, résume l’état du marché des cartes de jeu à collectionner, avec pour figures de proue Magic : The Gathering (Magic : l’assemblée, en France) et Pokémon. Il suffit de regarder le cours historique des cartes les plus emblématiques sur les sites spécialisés : l’édition Beta du Lotus noir, la plus célèbre carte Magic de l’histoire, s’échangeait, en 1994, autour de 15 dollars (13,55 euros). Il y a dix ans, elle en valait quelques milliers ; aujourd’hui, son prix peut s’envoler jusqu’à 50 000 dollars (45 172 euros), voire plus.
Analyse du poids et lampe UV
Les causes, selon les professionnels, sont multiples : les cartes Pokémon, par exemple, auraient bénéficié du succès du jeu vidéo Pokémon Go en 2016. A la faveur de la crise sanitaire et des confinements, beaucoup d’anciens joueurs ont ensuite redécouvert leurs cartes, traînant dans des greniers et dans des caves. Des influenceurs comme Logan Paul ont enfin joué un rôle central, en vantant des retours sur investissements mirobolants.
Comme tous les objets de collection qui prennent de la valeur, la carte à jouer Pokémon ou Magic attire les faussaires. Il y a quelques années, François-Xavier Colombani se souvient avoir reçu d’un client une carte très rare à authentifier : un Lotus noir justement, édition Beta, donc très recherchée. En l’inspectant, il comprend qu’il y a un problème : un motif d’impression en rosace qui ne correspond pas à celui des éditions Beta. Il s’agissait en réalité d’un reback : un faussaire avait collé le verso d’une carte Beta quelconque au recto d’un Lotus noir d’une moindre valeur. Un travail de précision : il faut également poncer cette double carte pour en diminuer le poids, afin que la contrefaçon ne soit pas trahie à la pesée. « A la lumière UV, on peut également étudier la structure de la colle : sur une vraie carte, elle est très homogène », explique M. Colombani. La recherche d’authenticité va très loin. « Des faussaires teignent leur colle en bleue pour tenter de reproduire la couleur de celle utilisée sur les vraies cartes Magic », précise M. Colombani.
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