Outre Manche, des hommes et femmes politiques et des associations de défense de la vie privée demandent à la police et aux entreprises privées de cesser d’utiliser des systèmes de reconnaissance faciale en direct. Leur mobilisation intervient après l’annonce d’un projet de centralisation de données de l’administration en charge des papiers d’identité, et de la police. Cette annonce aurait été « la goutte de trop » dans un pays où ce type de technologie est déjà utilisé par la police et des entreprises privées.
« Non au cauchemar orwellien ! » : voilà le message brandi par des dizaines d’hommes et de femmes politiques de tout bord ainsi qu’une trentaine d’associations de défense de la vie privée ce vendredi 6 octobre au Royaume-Uni. Ces derniers demandent à la police et aux entreprises privées de ne plus utiliser de dispositifs de reconnaissance faciale en direct. La campagne, menée par l’organisation de défense de la vie privée Big Brother Watch rassemblant une trentaine d’ONG, dont Amnesty International, est aussi soutenue par 65 membres du Parlement britannique. Parmi eux, l’ancien ministre David Davis, le chef de file des libéraux démocrates, Ed Davey, la députée verte Caroline Lucas et l’ancien procureur général Shami Chakrabarti.
Cela fait des mois que la reconnaissance faciale en direct est utilisée dans certaines villes par la police, lors de concerts, d’événements sportifs ou de grande envergure, comme le couronnement du roi Charles III. Les visages des individus ont été pendant ces manifestations scannés biométriquement par des caméras en temps réel et comparés à une base de données.
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Un projet a mis le feu aux poudres
Mais un projet gouvernemental souhaitant aller plus loin aurait mis le feu aux poudres. Le ministre en charge de la police, Chris Philp, envisage de permettre aux forces de l’ordre d’effectuer des recherches sur les 45 millions de photos d’identité britanniques. Concrètement, l’homme politique souhaite centraliser les données du Bureau des pièces d’identité et celles de la police nationale, afin d’aider les forces de l’ordre à trouver une correspondance en « cliquant sur un seul bouton » dans le cadre de délits mineurs, comme le vol de vélos. De quoi constituer un « cauchemar à la Big Brother » puisqu’il entraînerait une « violation flagrante des principes britanniques en matière de protection de la vie privée », écrit l’ONG dans un communiqué publié ce vendredi 6 octobre.
Les associations et politiques signataires du texte expliquent avoir « des points de vue divergents sur la reconnaissance faciale en direct ». Mais tous demandent que le recours à cette technologie de reconnaissance faciale en direct cesse, immédiatement.
Un large débat démocratique demandé
Pour le directeur de Big Brother Watch, Silkie Carlo, un « large débat démocratique » doit avoir lieu dans le pays, « avant d’introduire dans la vie britannique une technologie qui porte atteinte à la vie privée ». Il s’agit d’une « approche imprudente du Royaume-Uni en matière de surveillance par reconnaissance faciale, faisant de notre pays un cas à part dans le monde démocratique, surtout dans le contexte de la proposition d’interdiction de l’Union européenne », ajoute-t-il, cité dans le communiqué de presse.
Le Règlement sur l’IA, en cours d’adoption au sein de l’UE, prévoit en effet d’interdire les « systèmes d’identification biométrique en temps réel et à distance », soit la reconnaissance faciale dans les lieux publics. L’efficacité de ce type de système est aussi pointée du doigt : les erreurs d’identifications seraient nombreuses, explique l’ONG qui cite une étude qu’elle a menée, ainsi que des recherches internationales.
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Mais face à cette bronca, le gouvernement britannique est, pour l’instant, resté droit dans ses bottes. Un porte-parole du ministère de l’Intérieur a déclaré à nos confrères de la BBC que l’utilisation de cette technologie reposait « sur une base juridique solide qui a été confirmée par les tribunaux et qui a déjà permis d’arrêter un grand nombre de grands criminels ». Mark Rowley, commissaire de la police de Londres, et défenseur de ce type de technologie, estime au contraire que cette dernière allait totalement révolutionner les enquêtes criminelles, expliquait le DailyMail, le 11 septembre dernier