L’intégration de l’intelligence artificielle dans l’univers de l’open source est un défi de taille.
Certes, l’IA s’appuie largement sur des bases open source, et certains projets majeurs, comme les grands modèles de langage Granite créés par IBM ou RHEL AI, respectent pleinement cette philosophie.
Mais la réalité est tout autre pour la majorité des modèles populaires, à commencer par Llama de Meta.
Llama n’est pas open source
Mark Zuckerberg assure que les modèles Llama sont open source, mais un panel d’experts réunis lors de la conférence State of Open 2025 a tenu à rétablir la vérité : ce n’est tout simplement pas le cas.
Emily Omier, consultante reconnue dans l’univers open source, rappelle une règle essentielle : l’open source n’est pas une question d’interprétation, mais une norme définie par l’Open Source Initiative (OSI). « Soit, vous êtes open source, soit vous ne l’êtes pas. Si votre licence est approuvée par l’OSI, vous l’êtes. Sinon, vous relevez d’un autre modèle », tranche-t-elle.
Or, les modèles Llama conçus par Meta ne respectent pas cette norme. L’entreprise retient des éléments clés comme les données d’entraînement et la méthodologie, limitant ainsi la transparence et la possibilité de modification par la communauté.
Meta veut imposer son modèle
Pire encore, Meta impose des restrictions de licence. Si un programme s’appuie sur Llama et atteint un certain niveau de performance, son éditeur devra verser une redevance à Meta. Un principe en totale contradiction avec l’open source. Point final.
« En théorie, nous sommes d’accord avec tout ce que [Zuckerberg] a écrit et dit », assure Stefano Maffulli, directeur exécutif de l’OSI. « Si seulement la licence de Meta supprimait les restrictions, nous serions même en phase. Mais dans l’état actuel des choses, Llama est un handicap pour tout développeur ; trop opaque pour être utilisé en toute sécurité et avec une licence qui laisse finalement Meta en charge de ses innovations. »
En résumé, Maffulli estime que Zuckerberg cherche à imposer ses propres règles en exerçant une pression sur l’industrie pour qu’elle suive sa vision de l’open source.
Une question d’argent ?
Tout le monde s’accorde à dire que l’open source est la meilleure façon de développer des logiciels. Mark Zuckerberg lui-même en convient : « Nous avons bénéficié des innovations de l’écosystème en rendant open source des outils de pointe comme PyTorch, React et bien d’autres. Cette approche a toujours fonctionné pour nous lorsque nous nous y sommes tenus sur le long terme. »
Mais il y a une différence majeure : ces outils sont sous licence approuvée par l’Open Source Initiative (OSI). Or, lorsqu’il s’agit d’intelligence artificielle, Zuckerberg semble vouloir redéfinir les règles du jeu. Pourquoi ? Peter Zaitsev, cofondateur de Percona et figure de l’open source, a son avis sur la question : « Il pollue le terme pour induire en erreur les régulateurs. »
Cette stratégie est cruciale pour Meta en Europe. Avec l’adoption de la loi sur l’IA par l’Union européenne, les systèmes publiés sous des licences libres et open source bénéficient d’une exemption qui pourrait faire économiser des centaines de millions, voire des milliards d’euros à Meta. C’est pourquoi l’entreprise de Zuckerberg fait pression pour redéfinir la définition de « l’open source », tout en retenant les composants essentiels.
En d’autres termes, Meta souhaite redéfinir l’open source à son avantage.