La plateforme de commandes publiques de l’État, PLACE, sera sous peu gérée par le géant canadien CGI, en lieu et place d’une PME française : de quoi mettre vent debout 33 députés menés par Loïc Kervran, le vice-président de la commission de défense nationale et des Forces Armées, que nous avons interrogé.
« Une grave question de souveraineté, voire de sécurité nationale » : dans une lettre adressée au ministre de l’Économie et révélée par la Lettre A, 33 députés, dont Loïc Kervran, vice-président de la commission de la Défense, questionnent le choix, fait par le gouvernement, de confier la gestion de la plateforme de commandes publiques de l’État PLACE à une société canadienne, CGI.
Si PLACE est un site inconnu du grand public, il est le lieu d’informations hautement sensibles, touchant « à la sécurité et à la souveraineté nationale ». La plateforme centralise des dizaines de milliers d’appels d’offres dématérialisées de l’État, et surtout les réponses apportées par les entreprises françaises (et étrangères) – à savoir leurs offres techniques et financières, souvent très confidentielles, proposées pour répondre aux ministères, administrations et services publics.
Équipement GSM des hélicoptères de l’armée, entretien des structures de la Marine…
On y trouve « des éléments très sensibles comme les appels d’offres du ministère des Armées, par exemple, sur l’équipement GSM des hélicoptères, sur l’entretien des structures émergées et immergées de la Marine nationale dans le Finistère et le Morbihan », nous explique Loïc Kervran à la tête de la fronde, que nous avons contacté.
Et selon nos confrères de la Lettre A, la plateforme, jusque-là gérée par la PME française Atexo, a désormais été confiée à CGI – la filiale française du géant nord américain, presque en catimini. Il n’y aurait pas eu d’appel d’offres, mais l’État serait passé par un contrat-cadre conclu avec CGI pour lui confier la gestion du site, nous précise le député Horizons. Ce type d’accord permet de définir un cadre (des prestations, à tel prix) qui ne seront fournies que si l’acheteur (ici l’État) passe une commande à un prestataire (CGI).
Une utilisation de la plateforme à des fins de renseignement et d’intelligence économique ?
Une commande aurait été passée, et la passation serait bel et bien en cours : CGI fournira sous peu la couche logicielle (de maintenance et de support) de PLACE, les données restant stockées chez OVH Cloud, précise le député du Cher. Mais CGI aura bien accès à toutes les données, comme « les offres financières et techniques déposées sur la plateforme en réponse aux appels d’offres de l’État et des organismes de sécurité sociale », regrette l’élu.
Un atout pour un État étranger : la plateforme pourrait être utilisée à des fins « de renseignement et d’intelligence économique », poursuit-il. Car quiconque a accès aux données de la plateforme peut avoir une vision très précise des prix, des activités et des offres des entreprises françaises qui souhaitent être prestataires des pouvoirs publics français, dans des secteurs souvent sensibles ou stratégiques.
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Dans leur lettre, les 33 parlementaires demandent au ministre de l’Économie de leur communiquer « les éléments d’analyse de risque et, le cas échéant, l’avis du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale concernant ce choix stratégique ». En d’autres termes, les députés souhaitent « qu’on leur garantisse qu’il n’y a pas de mise en cause de la sécurité nationale », précise Loïc Kervran.
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CGI déjà pointé du doigt l’été dernier
Ce n’est pas la première fois que la société CGI remporte un marché public stratégique. L’été dernier, le Canard Enchaîné avait révélé que le groupe nord-américain avait gagné, avec le français Wavestone, un méga appel d’offres de l’État. Son objet était de mieux protéger la majorité des ministères français en matière de cybersécurité… Ce au détriment d’un quatuor 100 % français. Interrogé par 01net.com, le ministère de l’Agriculture avait déclaré avoir opté pour le candidat présentant « économiquement l’offre la plus avantageuse ».
Pourquoi le choix s’est-il porté, pour PACE, sur CGI ? Le ministère d’Antoine Armand n’avait pas répondu à nos sollicitations, à l’heure de la publication de cet article.
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