« Si la loi est adoptée dans sa forme actuelle, la France créera un précédent de surveillance jamais vu en Europe. » Une quarantaine d’eurodéputés, très majoritairement issus des groupes Verts, S&D (sociaux-démocrates) et Gauche unitaire, ont écrit, vendredi 17 mars, à leurs homologues français pour leur demander de s’opposer à l’article 7 du projet de loi sur les Jeux olympiques, qui prévoit le déploiement, à titre expérimental, de caméras « augmentées » à Paris.
Ces caméras, qui ajoutent à la vidéosurveillance classique des technologies d’analyse automatique, doivent permettre, selon leurs promoteurs, de détecter des comportements suspects. Mais leurs critiques soulignent qu’au-delà d’une efficacité douteuse ces dispositifs de surveillance présentent de multiples risques pour les libertés publiques. La plupart des grandes organisations de défense de la vie privée et des droits humains, dont Amnesty International, s’opposent à leur déploiement.
Signe d’encouragement aux « régimes répressifs »
Les opposants à ces technologies seraient par ailleurs majoritaires au Parlement européen, estiment les eurodéputés auteurs du courrier envoyé aux élus français ainsi qu’à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). « Dans le rapport 2021 du Parlement européen sur l’intelligence artificielle dans le droit pénal (…), précurseur de la loi sur l’intelligence artificielle [IA], le Parlement a appelé à “l’interdiction permanente de l’utilisation de l’analyse automatisée (…), des caractéristiques humaines (…), et d’autres signaux biométriques et comportementaux”, écrivent-ils. Le règlement correspondant est en cours de négociation, et il existe une majorité favorable à une interdiction stricte de la surveillance biométrique de masse. »
Les auteurs du courrier estiment que, en adoptant ce texte sans attendre les résultats des débats au niveau européen, la France « sape[rait] le rôle de démocratie et de contrôle du Parlement européen. L’article 7 de la loi sur les Jeux olympiques et paralympiques risque d’entrer en conflit avec la loi européenne sur l’IA. » Ils estiment également que le fait qu’un « pays démocratique comme la France » encourage ce type de surveillance automatisée revient à « donner carte blanche aux régimes répressifs du monde entier pour qu’ils fassent de même avec leurs propres citoyens ».
Adopté par le Sénat à la fin du mois de janvier, le texte doit revenir devant les députés lundi 20 mars. Son adoption ne fait, en théorie, que peu de doute.