Le parquet a requis des peines allant de six à huit ans de prison contre les quatre principaux prévenus, des frères d’une même fratrie, dans le procès d’une importante affaire d’arnaque au faux support technique, vendredi 24 mai. Cette audience jugeant quinze prévenus s’était ouverte une dizaine de jours plus tôt devant la 13e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris.
Des peines importantes justifiées, pour le ministère public, par le nombre important de victimes et le montant du préjudice. Cela doit être aussi une sanction préventive, pour dissuader de nouvelles vocations, ajoute le parquet dans ses réquisitions. Il est rare d’avoir en matière de cybercriminalité des peines aussi élevées demandées, même si le maximum de peine encourue n’a toutefois pas été atteint. Il est de dix ans pour les délits visés, du piratage informatique, de l’escroquerie, du blanchiment, le tout en bande organisée, et l’association de malfaiteurs.
Dossier symbolique
Mais cette affaire avait une dimension symbolique pour l’accusation. C’est en effet « le premier dossier d’ampleur » de ce type d’arnaque à être jugé devant cette juridiction, soulignait la vice-procureure Pauline Fabre. L’enquête, menée par les services de police judiciaire de la police de Montpellier et de Nancy, a permis d’identifier à partir de l’automne 2020 1800 victimes pour un préjudice d’environ deux millions d’euros. Soit « un nombre colossal de victimes », avait déploré la veille « Centho », un jeune internaute qui avait tenté d’alerter les cibles du gang des escroqueries en cours.
Seule ombre au tableau: seuls trois des quatre principaux mis en cause ont été interpellés dans cette affaire. Celui qui est considéré comme le chef du groupe, Mohamed Ali Mabrouk, est resté introuvable.
Et ce malgré plusieurs demandes d’entraide judiciaire adressées à la Tunisie, où il réside vraisemblablement. L’enquête a notamment mis au jour d’impressionnants mouvements en crypto-monnaies sur son compte Binance, à hauteur de 740 000 euros. Ce qui suggère que ses activités étaient extrêmement lucratives.
Réseau structuré
Derrière lui, l’accusation a brossé le portrait d’une véritable PME familiale du cybercrime. Elle opérait entre la Tunisie et la France, en passant par l’Inde et la Turquie pour le blanchiment. « C’était un réseau structuré, avec une myriade de sociétés, avec à chaque fois la même facturation, la même adresse et des dates d’immatriculation qui se succèdent et toujours les mêmes noms qui reviennent », énumère Pauline Fabre.
Les principaux mis en cause avaient notamment enrôlé des proches. Ces hommes de paille fermaient les yeux sur de généreux salaires empochés pour la seule création de sociétés. Et des épouses étaient également mises à contribution. « Les entreprises sont des coquilles vides. I n’y a pas de salarié, pas de locaux, et pourtant elles encaissent de l’argent.
Mais l’intitulé des virements ne permet aucun doute sur l’origine des fonds », souligne la magistrate. Comme par exemple « Virus informatique ».
Une arnaque au faux support technique classique
Le mode opératoire de cette arnaque au faux support technique était classique. Le gang commandait tout d’abord des campagnes de hameçonnage à un intermédiaire, non identifié dans l’enquête, basé en Inde. Elles visaient à effrayer des victimes, de préférence des personnes âgées ou vulnérables.
Il s’agissait de leur faire croire qu’elles venaient d’être infectées par un virus et les incitant à appeler un numéro. Au bout du fil, un call-center basé en Tunisie. Ses « employés » prenaient alors la main sur l’ordinateur des victimes avec le logiciel AnyDesk. Puis ils vendaient à prix d’or des prestations inexistantes, de 150 euros à quelques milliers d’euros, et jusqu’à 2300 euros environ pour une victime.
« L’un des prévenus parle d’une organisation débile, relève la magistrate du parquet. Mais même s’ils ont utilisé leur identité réelle, la multiplicité des comptes a rendu les choses difficiles. L’enquête a été fastidieuse. » Elle a également fait prendre conscience à la police et à la justice qu’elles devaient travailler autrement contre de tels gangs. Isolément, chaque préjudice était faible. Des sommes généralement pas poursuivies par les parquets locaux qui pouvaient laisser espérer au gang de passer sous les radars. Le procès doit se terminer en début de semaine.