Des procureurs américains appellent Meta à « rejeter » des lois européennes « contraires aux valeurs américaines », sous peine de poursuites

Des procureurs américains appellent Meta à « rejeter » des lois européennes « contraires aux valeurs américaines », sous peine de poursuites



Un groupe de procureurs généraux de 16 États américains demandent à la maison mère de WhatsApp et d’Instagram de ne pas respecter des directives européennes, sous peine de poursuites judiciaires aux États-Unis.

« Ne respectez pas ces deux directives européennes, ou nous vous poursuivrons en justice aux États-Unis » : voilà l’ultimatum lancé par 16 États américains à Meta, la maison mère de WhatsApp, Instagram et Facebook, début octobre. Depuis des mois, les géants de la tech et une partie des pouvoirs publics américains sont vent debout contre deux directives européennes sur le devoir de vigilance (CS3D) et le reporting durable (CSRD). Or, le 13 novembre prochain, la simplification du premier texte fera l’objet d’un vote au Parlement européen.

L’occasion pour ces procureurs américains, à quelques jours de ce vote, de militer pour que ces législations européennes soient plus qu’allégées. La lettre adressée à Meta a été publiée par le député européen Pascal Canfin sur son compte LinkedIn, le 4 novembre dernier. Mais selon ESGMedia, des lettres similaires ont aussi été adressées aux PDG de Google et de Microsoft.

Depuis que l’UE s’est lancée dans un processus de simplification de ces lois en février dernier, les lobbys militant pour leurs maintiens ou au contraire pour leurs allégements voire leurs suppressions, s’intensifient. Et sans surprise, la tech américaine et le gouvernement de Donald Trump s’échinent à promouvoir l’abandon pur et simple de ces directives.

Le 30 octobre dernier, plusieurs organisations représentant les entreprises américaines ont adressé une lettre à la Maison Blanche, lui demandant d’agir pour ne pas avoir à appliquer ces normes. Les dirigeants américains des entreprises de la tech ont aussi adressé une lettre au président français Emmanuel Macron et à son homologue allemand, appelant à la suppression de la directive sur le devoir de diligence en matière de durabilité des entreprises (CS3D).

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Des normes « illégales aux États-Unis »

Cette loi impose aux grandes entreprises qui opèrent en Europe de prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement dans l’ensemble de leurs chaînes d’approvisionnements, y compris à l’étranger, sous peine de sanctions. La directive CSRD exige, de son côté, que ces grandes entreprises évaluent, et rendent publiques les conséquences environnementales, sociales et de gouvernance de leurs activités.

Et pour le groupe mené par le procureur général de Floride, James Uthmeier, ces normes vont non seulement alourdir la charge administrative des entreprises américaines. Mais elles sont « contraires aux valeurs américaines » et « illégales aux États-Unis ». « Les entreprises américaines doivent continuer à respecter les lois américaines, quelle que soit l’opinion des élites européennes », taclent-ils.

« Nous vous exhortons à donner la priorité à l’Amérique et à ses lois plutôt qu’à l’Europe »

Selon ces procureurs, ces lois européennes obligeraient les entreprises américaines à « se conformer aux exigences européennes en matière d’ESG (« Environmental, Social and Governance ») et de DEI (« diversity, equity, and inclusion », la politique de diversité, d’équité et d’inclusion, NDLR) (…). Nous vous exhortons à donner la priorité à l’Amérique et à ses lois plutôt qu’à l’Europe et à ses directives corrosives en matière de reporting et de conformité », martèlent leurs auteurs.

Pour les procureurs de ces États en majorité républicains, ces directives « exigent la conformité avec les politiques erronées du gouvernement de Joe Biden ». Leur objectif est « de saper les politiques contraires de l’administration Trump », estiment-ils. « Une telle conformité est illégale aux États-Unis », préviennent-ils, évoquant directement la menace d’actions en justice. Ces lois exposeraient les entreprises à des « poursuites judiciaires et à des mesures coercitives de la part du gouvernement » aux États-Unis, écrivent-ils.

« Les entreprises (US) ne devraient pas permettre aux bureaucrates de Bruxelles de diriger les politiques et les opérations de votre entreprise »

Au cœur de cette guerre de lobby, se trouvent les politiques d’inclusion et de diversité (les « DEI » en anglais), qui visent à inclure des minorités ethniques ou sociales. Donald Trump a, à plusieurs reprises, décrit ces dernières comme « un canular qui a fait beaucoup de mal à notre pays. Le DEI c’est terminé ». Un de ses décrets a d’ailleurs ordonné aux agences fédérales et aux bénéficiaires de subventions de supprimer les postes dédiés à ces politiques de discrimination positive, et de mettre fin à tout financement ou contrat « lié à l’égalité ».

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Et les 16 procureurs généraux plaident en ce sens : « les initiatives DEI et ESG imposées par les directives CSRD et la CS3D constituent un fardeau pour le commerce américain et freinent l’économie. Elles coûteraient des emplois aux États-Unis, exposeraient les entreprises américaines à des litiges supplémentaires, nuiraient au développement énergétique américain et alimenteraient par ailleurs des incitations économiques perverses préjudiciables à l’industrie et aux consommateurs américains. Les entreprises comme la vôtre ne devraient pas permettre aux bureaucrates de Bruxelles de diriger les politiques et les opérations de votre entreprise ici, en Amérique », écrivent-ils.

Dans la lettre adressée à Meta, les procureurs demandent que le groupe de Mark Zuckerberg réponde dans un délai de trente (30) jours, « en expliquant en détail les mesures prises par Meta pour rejeter les directives CSRD et CS3D de l’UE, contraires aux valeurs américaines ».

La Commission européenne évoque une simplification, mais pas une dérégulation

Le sujet brûlant des lois CSRD et la CS3D avait pourtant été évoqué dans l’accord conclu en août dernier entre l’UE et les États-Unis sur les droits de douane. Bruxelles s’était engagée à garantir que la CSRD et la CS3D « n’imposent pas de restrictions excessives au commerce transatlantique ». Mais le mois dernier, le gouvernement de Donald Trump était revenu à la charge, en menaçant les 27 pays de l’UE de « conséquences sur le commerce et l’approvisionnement énergétique » si la directive CS3D n’était pas abrogée ou édulcorée.

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La réponse de l’UE ne s’était pas fait attendre. Dans une interview donnée à Bloomberg, fin octobre, Teresa Ribera, la vice-présidente de la Commission européenne, a rétorqué que « nous pouvons simplifier tout ce que nous voulons, tant que cela ne compromet pas la possibilité d’atteindre nos objectifs. Mais nous ne pouvons pas ignorer le fait que certains pourraient vouloir déréglementer et revenir à l’obscurantisme ».

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