Doctolib condamné à 4,6 millions d’euros d’amende : tout comprendre à l’affaire

Doctolib condamné à 4,6 millions d’euros d’amende : tout comprendre à l'affaire


Le couperet est tombé ce 6 novembre 2025. L’Autorité de la concurrence a sanctionné Doctolib, l’une des entreprises préférées des Français, à une amende de 4,6 millions d’euros pour abus de position dominante.

Prisée des français, l’application médicale s’est imposée comme un incontournable pour de nombreux français. L’annonce de cette lourde sanction n’arrive cependant pas de nulle part. Elle est l’aboutissement d’une longue enquête démarrée en 2019, suite à une plainte déposée par un concurrent, Cegedim Santé. Après des saisies dans les locaux de Doctolib en 2021, l’Autorité a finalement estimé avoir les preuves d’une « stratégie anticoncurrentielle globale ».

Doctolib a immédiatement annoncé faire appel de cette décision. Mais que reproche-t-on exactement au géant de la e-santé ? On fait le point sur ce dossier complexe.

Pourquoi cette amende ? Deux griefs majeurs

L’Autorité ne reproche pas à Doctolib d’être le leader, mais comment il l’est devenu et comment il maintient sa place. L’amende se décompose en deux parties bien distinctes.

Le cœur du problème : les pratiques d’éviction

La première concerne les pratiques d’éviction et c’est d’ailleurs le reproche principal adressé par l’Autorité de la concurrence. Cette dernière pointe du doigt des pratiques de « ventes liées » et des clauses d’exclusivité.

En clair, Doctolib forçait un praticien qui voulait utiliser son service « Doctolib Téléconsultation » à souscrire obligatoirement à « Doctolib Patient », son logiciel d’agenda. Impossible de prendre l’un sans l’autre et c’est un problème pour l’Autorité de la concurrence, parce que verrouille le marché. Un médecin qui utilisait un logiciel d’agenda concurrent (comme celui de Cegedim, le plaignant) ne pouvait pas y connecter la téléconsultation de Doctolib, qui bénéficie de la plus grosse base de patients. C’est une manière d’évincer les rivaux.

Les faits reprochés à Doctolib par l’autorité de la concurrence. – © Autorité de la concurrence

Le plus accablant, selon les documents du dossier, c’est que la propre direction juridique de Doctolib aurait alerté en interne sur « l’illégalité de ces clauses ». Malgré cela, la direction aurait « stratégiquement » décidé de les conserver.

Le rachat qui tue : l’affaire MonDocteur

L’autre volet, c’est le rachat de MonDocteur en 2018. À l’époque, MonDocteur était le « principal concurrent » de Doctolib. L’Autorité de la concurrence ne voit pas cette opération comme un simple « rapprochement », mais comme une « acquisition prédatrice ». Le but était d’éliminer le rival numéro un pour « verrouiller le marché ».

Ici aussi, les documents internes saisis en 2021 sont explosifs. Des échanges se félicitaient de l’opération en des termes sans équivoque : « Sans Mondocteur, plus de concurrent, on est numéro un partout ». L’objectif était de « killer le produit » pour opérer « sans plus aucune concurrence en France ».

Selon l’Autorité, cette disparition de la concurrence a eu un effet direct : elle a permis à Doctolib d’augmenter ses tarifs de façon régulière par la suite.

Doctolib est-il vraiment dominant ? La bataille des chiffres

C’est le cœur de la bataille juridique et ce sera sans doute le point central de l’appel. Les deux parties sont en désaccord total sur la définition même du marché.

Pour l’Autorité de la concurrence, cela ne fait aucun doute que la firme domine son segment. Elle estime que Doctolib détient « plus de 70 % de part de marché, voire plus de 90 % » du marché de la prise de rendez-vous en ligne. Sa notoriété est jugée « hors pair » et cette situation serait comparable à celle de certains GAFAM dans leurs secteurs respectifs.

Autorite Concurrence Doctolib
Doctolib est en position dominante selon l’Autorité de la concurrence. – © Autorité de la concurrence

Pour Doctolib, ce n’est évidemment absolument pas. L’entreprise se défend en affirmant n’équiper que « 30% des soignants français » et être « 3 fois plus petit que ses concurrents européens ».

La nuance est énorme et vient d’une différence d’appréciation entre les deux parties. L’Autorité regarde le marché pertinent, savoir celui des service de prise de rendez-vous médicaux en ligne, tandis que Doctolib inclut dans son calcul le médecin de campagne qui utilise encore un agenda papier et un téléphone fixe.

Une première en France : la fin des « killer acquisitions » ?

Si l’amende de 50 000 euros pour le rachat de MonDocteur peut sembler dérisoire, c’est en réalité le point le plus important de la décision sur le plan juridique. En effet, l’acquisition de MonDocteur en 2018 était passée « sous les seuils » de notification. Elle était alors trop petite pour que l’Autorité de la concurrence ait son mot à dire avant sa réalisation.

Mais voilà, une nouvelle jurisprudence européenne, l’arrêt Towercast (mars 2023), a tout changé. Elle permet désormais à une autorité nationale de contrôler un rachat a posteriori (après coup), même sous les seuils, s’il s’avère constituer un abus de position dominante.

L’affaire Doctolib est la toute première application de cette règle en France. L’amende est faible car l’Autorité reconnaît « l’incertitude juridique » qui existait avant 2023. Toutefois, le message est clair et marque la fin de l’impunité pour les géants qui avalent leurs futurs concurrents avant même qu’ils n’aient pu grandir.

Et maintenant ? Doctolib fait appel

Doctolib n’a pas tardé à réagir en faisant appel de cette décision, qu’elle qualifie de « lecture erronée » de son activité. L’entreprise conteste toute position dominante (l’argument des 30 % de soignants français) et affirme que le rachat de MonDocteur était une opération d’une « banalité absolue » pour « innover plus rapidement ».

Quant à la vente liée, elle se justifierait par une nécessité technique. L’entreprise assure que déconnecter la téléconsultation du logiciel principal « aboutirait à des difficultés conséquentes pour le suivi des patients et l’activité quotidienne des soignants ».

En attendant l’appel (qui n’est pas suspensif pour le paiement de l’amende), Doctolib subit une autre sanction, plus réputationnelle : l’Autorité lui a enjoint de publier un résumé de la décision dans le journal Le Quotidien du Médecin. Un coup dur pour l’image de la licorne auprès des médecins, son cœur de cible.

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