Des jeux sur les problématiques de retraite ou d’épargne : la démarche est vertueuse sur le papier. Mais des dérives sont possibles. « Le jeu est le format idéal pour former le grand public aux questions financières, lorsqu’il n’y a pas d’arrière-pensées commerciales », précise Pascale Micoleau-Marcel, la déléguée générale de La Finance pour tous.
Car sous couvert d’expliquer le fonctionnement de la Bourse avec des modules ludiques, certains néobrokers cherchent avant tout à augmenter l’utilisation de leurs services. « L’univers ludique a tendance à faire oublier les mises en garde et les règles de prudence de tout investissement », confirme Julien Maldonato, associé chez Deloitte.
Les jeunes sont les principales victimes. « Ils sont beaucoup plus crédules que leurs aînés et ont moins de connaissances financières. Certains jeux leur donnent le sentiment qu’on peut gagner de l’argent sans effort et sans risque », déplore Stéphanie Lange-Gaumand, directrice de l’éducation financière de la Banque de France. Une « fake news » difficile à enrayer. Car les influenceurs faisant l’éloge de l’argent facilement gagné depuis Dubaï ou Miami véhiculent la même idée. Ils sont suivis sur les réseaux sociaux par des millions de jeunes, pour qui la frontière entre le jeu et la réalité a tendance à s’estomper.
Les déluges de confettis apparaissant sur l’écran du smartphone après l’achat d’une action laissent clairement entendre que l’investissement est une bonne nouvelle à célébrer. « Au contraire, les études démontrent qu’en multipliant le nombre d’opérations, on diminue nettement la performance et on augmente sensiblement le risque de pertes », rappelle Daniel Haguet, professeur de finance à l’Edhec Business School. « L’objectif de la “gamification”, qui est avant tout une technique marketing, reste de faire tourner les portefeuilles, ce qui ne va pas forcément dans le sens des intérêts de l’investisseur. »
« Mécanismes plus addictifs que ludiques »
Or, c’est bien là le problème, les animations ludiques présentes sur les sites de cryptomonnaies et autres néobrokers ont précisément pour objectif de faire investir le client. « Il y a un véritable conflit d’intérêts : les plates-formes ont intérêt à ce que le client les utilise, puisqu’elles sont rémunérées à la commission sur chaque opération », décrypte Matthias Baccino, directeur général France de Trade Republic. « Notre modèle est très différent, puisque la majorité de nos clients épargnent sur le long terme avec des plans d’investissement programmés toutes les deux semaines ou tous les mois », affirme-t-il.
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