Les sujets sensibles ne se limitent pas à la politique en Chine, loin de là, et personne n’est à l’abri de la censure. Hu Xijin, éditorialiste du quotidien nationaliste Global Times, l’a appris à ses dépens en commentant avec un peu trop de liberté le résultat du récent plénum du Parti communiste consacré à l’économie. L’ancien rédacteur en chef du journal, qui reste l’un des commentateurs politiques les plus en vue en Chine, a noté que le compte rendu du troisième plénum avait omis une phrase habituellement présente dans les textes importants, affirmant que « la propriété publique joue un rôle dominant ».
M. Hu a voulu y voir un « changement historique » en faveur du secteur privé, montrant que la Chine espérait mettre en place « une véritable égalité entre l’économie privée et le secteur étatique », notamment pour l’accès aux prêts bancaires ou aux appels d’offres, a-t-il écrit le 22 juillet sur son compte Weibo, une plate-forme similaire à X (anciennement Twitter), où il compte 25 millions d’abonnés.
Mais l’influent commentateur, suffisamment proche du pouvoir pour s’exprimer relativement librement dans les médias chinois depuis une trentaine d’années, semble avoir surinterprété le texte. Son analyse économiquement libérale, qui parle d’un « grand pas en avant » pour la société, a été rapidement supprimée par la plate-forme, ce qui ne l’a pas empêché d’être critiqué vertement pour cette entorse à l’orthodoxie marxiste.
Compte Weibo suspendu
Depuis son arrivée au pouvoir fin 2012, Xi Jinping a au contraire renforcé le rôle de l’Etat et du Parti communiste sur l’économie, et redonné la priorité aux entreprises publiques. Depuis le 27 juillet, M. Hu, habitué à s’exprimer plusieurs fois par jour, aussi bien sur l’actualité internationale que sur l’économie, n’a plus rien publié, ni sur WeChat ni sur Weibo.
D’après l’agence Bloomberg, son compte Weibo a été suspendu temporairement. Contacté par le média hongkongais Sing Tao, M. Hu a botté en touche : « Je ne veux rien dire, vous pouvez lire ce qui est écrit en ligne. Merci de votre compréhension. »
Hu Xijin, est connu pour sa liberté de ton, qui tranche avec la prudence lénifiante des médias d’Etat de la plupart des commentateurs. Fervent nationaliste, il n’hésite pas à prôner la manière forte face aux Etats-Unis, mais a des positions relativement libérales sur certains sujets comme l’économie, ou la liberté de la presse. La censure dont il est l’objet reflète l’espace toujours plus restreint laissé au débat public en Chine. Même les économistes sont sous pression pour ne pas émettre d’avis trop négatifs, alors que l’économie chinoise fait face à un ralentissement sévère depuis 2022, la faute à une crise immobilière et une perte de confiance des acteurs économiques.
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