En Suède, où « il est presque inconcevable qu’un enfant n’ait pas un téléphone à 6 ou 7 ans », des parents s’interrogent sur l’omniprésence des écrans

En Suède, où « il est presque inconcevable qu’un enfant n’ait pas un téléphone à 6 ou 7 ans », des parents s’interrogent sur l’omniprésence des écrans


Il a longtemps été difficile d’évoquer le temps d’écran des enfants avec les parents suédois. Non qu’une discussion sur les risques d’une exposition prolongée ou les limites à imposer soit impossible. Mais elle génère souvent l’incompréhension : pourquoi donc refuser un téléphone portable à un gamin de 8 ans, quand la plupart de ses camarades de classe en ont déjà un ? Pourquoi limiter son accès à Internet alors qu’il apprend l’anglais et se fait des amis en ligne ? Ne parlons pas de restreindre l’usage d’une application qu’on aurait installée : ce serait presque de la maltraitance.

Mais des parents s’interrogent, à l’heure où les professionnels de santé commencent tout doucement à tirer le signal d’alarme. A l’automne 2023, l’Agence de santé publique à Stockholm a annoncé qu’elle ferait des recommandations d’ici à décembre 2024. Car, pour le moment, il n’y en a aucune, si ce n’est celles de l’Association suédoise des pédiatres, publiées en novembre 2023, pour les enfants de 0 à 5 ans. Dans ce document de huit pages – dont la moitié renvoient vers des études scientifiques – les médecins avancent avec prudence. Ils reconnaissent que les parents, qui passent eux-mêmes beaucoup de temps devant les écrans, peuvent éprouver une « certaine réticence » à accepter les résultats de l’étude, qui « tend à recommander que les enfants les plus jeunes n’utilisent pas du tout d’écrans numériques ». Les pédiatres conseillent donc aucun écran jusqu’à 2 ans, puis une heure quotidienne maximum, jusqu’à 5 ans.

Dans l’ensemble, les réactions ont été positives, constate Ulrika Aden, présidente de l’association, qui avoue avoir été un peu surprise : « La Suède se voit comme un pays à la pointe de la numérisation et d’Internet, où vouloir limiter les nouvelles technologies est considéré comme rétrograde. » Les enfants ont d’ailleurs accès aux écrans à l’école dès la maternelle. Mais les familles se posent aussi beaucoup de questions, assure Mme Aden : « Je pense que presque tous les parents suédois seraient d’accord pour dire que limiter le temps d’écran de leurs enfants est leur principale préoccupation. C’est probablement plus facile à faire dans d’autres cultures, où les parents peuvent être autoritaires, alors qu’en Suède, les gens font confiance aux autorités et attendent qu’elles les soutiennent en publiant des recommandations. »

Dans ce pays ultraconnecté d’early adopters (les « primo-adoptants », qui sautent sur tout ce qui est nouveau), où le secteur de la tech a produit des géants du numérique (King, Zettle, Klarna ou Spotify), les chiffres sont assez vertigineux. Selon le rapport annuel de l’Agence suédoise des médias publié en 2023, 82 % des enfants de 9 ans ont un téléphone portable, 20 % ont un ordinateur et 55 % une tablette. Parmi les 9 à 12 ans, 12 % passent plus de trois heures par jour sur les réseaux sociaux et un quart des ados disent dormir avec leur portable.

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