Plus que des nouveaux clients, la première préoccupation des entreprises de services numériques est de trouver de la main-d’œuvre. Dans son étude semestrielle « Tendances et perspectives », publiée en décembre 2023, Numeum, l’organisation professionnelle des entreprises du numérique en France, relève que deux tiers des entreprises de services numériques se plaignent d’une pénurie de ressources, alors que le « manque d’opportunités commerciales » n’est cité que par 44 % d’entre elles.
Depuis cinq ans, porté par sa croissance, le secteur connaît une tension salariale inédite. « L’emploi dans les métiers du numérique a connu une croissance de plus de 6 % par an entre 2018 et 2021, soit près de trois fois plus que la moyenne observée pour les autres secteurs », souligne l’Institut Montaigne, dans une « note d’action » publiée en mai 2023.
Sur 945 000 emplois disponibles dans les métiers du numérique, au sens large, en 2022, près de 10 % d’entre eux n’étaient pas pourvus. Et au vu des prévisions, le think tank libéral craint que ce « frein au développement de nos entreprises et de nos administrations publiques » ne devienne « un problème structurel ».
Si quelques signes de décélération de la croissance sont apparus en 2023, ce déséquilibre risque en effet de durer. L’informatique sera le secteur économique le plus créateur d’emplois d’ici à 2030, préviennent France Stratégie et la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques dans leur étude « Quels métiers en 2030 », parue en mars 2022.
A cet horizon, la France aura besoin de 115 000 ingénieurs informatiques supplémentaires, soit une hausse de 26 % par rapport à 2019. Mais les 156 000 jeunes débutants formés d’ici à 2030 ne suffiront pas à couvrir ces créations de postes et les 75 000 départs à la retraite. Il manquera toujours 34 000 informaticiens, soit environ deux fois ce que la France est capable de former chaque année.
Difficile de convaincre les filles
Les écoles d’ingénieurs, d’où sortent la majorité des jeunes informaticiens, sentent cette tension. « La durée moyenne de recherche d’emploi de nos diplômés de l’Ensimag [Ecole nationale supérieure d’informatique et de mathématiques appliquées] est de seulement trois jours », souligne Emmanuel Maître, vice-président chargé des relations avec les entreprises de l’institut public d’écoles d’ingénieurs Grenoble INP-UGA, dont dépend l’Ensimag.
« L’aspiration est telle que certains de nos étudiants ne vont pas au bout du tronc commun de la formation pour accepter un stage ou un emploi », regrette Olivier Crouzet, directeur de la coordination pédagogique de 42, l’école fondée par Xavier Niel (actionnaire du Monde à titre individuel), dont les locaux parisiens sont en travaux pour doubler leur superficie.
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