Exaion, la pépite tech d’EDF, bientôt sous pavillon américain ? On vous explique la polémique

Exaion, la pépite tech d'EDF, bientôt sous pavillon américain ? On vous explique la polémique



La filiale d’EDF qui utilise les supercalculateurs caduques de l’énergéticien devait être vendue au géant américain Mara. L’opération annoncée a finalement été suspendue après la bronca de politiques et d’acteurs du monde de la cryptomonnaie. Depuis, les tribunes s’enchaînent, et le flou sur le devenir de l’opération s’intensifie. Retour sur la polémique.

Exaion, la filiale tech d’EDF, passera-t-elle oui ou non sous pavillon américain ? Depuis plusieurs semaines, l’entreprise qui recycle les supercalculateurs d’EDF pour effectuer du calcul haute performance, et vendre des services liés à la blockchain, déchaîne les passions. Alors que les tribunes s’enchaînent pour dénoncer la vente au géant américain Mara de cette « pépite technologique » décrite comme une « perte de souveraineté », la cession reste dans le flou.

En août dernier pourtant, son sort semblait scellé. Dans un communiqué publié par EDF, l’énergéticien annonçait que Mara, un mastodonte américain du minage de bitcoins, mettait sur la table 152 millions d’euros pour acquérir les deux tiers du capital de sa filiale, Exaion. Mais la nouvelle avait suscité un tel tollé que Bercy s’en était mêlé : quelques jours plus tard, la vente avait été suspendue, le temps d’« explorer d’autres options ».

Des politiques et des acteurs de la cryptomonnaie vent debout contre la cession

La fronde est d’abord venue du monde politique. Plusieurs députés dont Philippe Latombe (Modem), Aurélien Saintoul et Matthias Tavel (LFI) étaient montés au front. « Allons-nous brader les pépites tech souveraines qui grandissent en France ? », s’indignait l’ancien ministre de l’Économie, Antoine Armand (EPR) sur son compte LinkedIn.

Dimanche dernier, Eric Ciotti (UDR) en a remis une couche, dans les colonnes du JDD. Le député des Alpes-Maritimes est allé jusqu’à comparer la cession d’Exaion à la douloureuse vente de la branche énergie d’Alstom à l’Américain General Electric, onze ans plus tôt.

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À côté des politiques, des organisations liées aux cryptoactifs sont aussi montées au créneau, à l’image de l’Institut national du Bitcoin. L’association qui veut s’attaquer aux idées reçues qui entourent le Bitcoin a adressé un courrier à différents groupes de l’Assemblée nationale pour les sensibiliser au dossier, et les convaincre d’agir contre. « Confier à un acteur américain le contrôle d’actifs qui pilotent notre réseau électrique, nos données et la valorisation de nos surplus énergétiques est un risque systémique que la France ne doit pas prendre », plaidait l’association mi-septembre.

Même son de cloche chez d’autres acteurs du monde de la cryptomonnaie, à l’image de Claire Balva et de Stanislas Barthelemi, respectivement directrice générale et président de l’Association pour le développement des actifs numériques (Adan) : ces derniers dénonçaient dans Les Échos, le 25 septembre dernier, le fait qu’« EDF offre sur un plateau à un Américain ce qu’elle a refusé aux Français ».

La filiale tech d’EDF est-elle réellement un actif « stratégique » ?

Cette fronde s’explique pour plusieurs raisons : dans un contexte géopolitique où les appels à la souveraineté européenne n’ont jamais été aussi fréquents, voir une pépite française passer sous pavillon américain a de quoi crisper. Mais la filiale tech d’EDF est-elle réellement un actif « stratégique » et héberge-t-elle vraiment des données critiques, comme le laissent entendre les pourfendeurs du dossier ?

Selon EDF, « Exaion développe et exploite des centres de données de calcul haute performance (HPC) et fournit une infrastructure cloud et IA sécurisée ». C’est d’ailleurs pour cette carte du cloud souverain que Mara a souhaité investir dans la filiale d’EDF. Fred Thiel, le président-directeur général de Mara, l’a clairement mis en avant lors de l’annonce de la vente le 11 août dernier. Interrogé par Bloomberg, le PDG expliquait vouloir faire d’Exaion une plateforme de cloud souverain à l’échelle internationale.

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« Il s’agit d’un marché important et en pleine croissance que Mara évalue depuis un certain temps (…). Il existe une très forte demande pour les solutions cloud souveraines, qui ne peuvent pas prendre le risque de voir des données fuiter de leurs systèmes », déclarait-il. Problème : avec le Cloud Act, les données européennes qui seraient hébergées par Exaion pourraient être accessibles aux autorités américaines, si l’entreprise passe sous pavillon américain.

Mais pour Bercy, qui était interrogé par l’AFP en août dernier, les choses sont moins tranchées. « Exaion opère des activités qui ne sont pas stratégiques ou souveraines comme EDF ou une entreprise de la défense, mais porte des technologies qui peuvent être extrêmement importantes à l’avenir et pour lesquelles on pourrait avoir un intérêt à garder une part de souveraineté ou une souveraineté complète ». En d’autres termes, l’activité pourrait devenir stratégique dans le futur, à long terme. De son côté, Mara met en avant le fait qu’Exaion ne gère aucune donnée souveraine. Au Figaro, EDF affirme aussi qu’Exaion n’héberge pas les données critiques du parc nucléaire et hydraulique français.

EDF et Mara veulent sauver l’opération

En interne, l’énergéticien ne compte d’ailleurs pas renoncer à la vente. À l’origine, la filiale tech d’EDF était créée en 2020 pour recycler les supercalculateurs de l’électricien. EDF renouvelle ses supercalculateurs tous les trois ans : l’énergéticien les utilise pour gérer ses centrales, et prévoir sa production hydroélectrique.

Une fois ces machines redesignées, les appareils sont utilisés par Exaion dans trois secteurs, relataient les Echos en mars 2025 : pour traiter de la donnée en 3D pour le cinéma et les jeux vidéo, pour des services de calcul haute performance dans l’IA et le quantique, et enfin pour sécuriser des blockchains et stocker des cryptoactifs. Depuis l’année dernière, la pépite d’EDF disposait même du statut réglementé de « prestataire de services sur actifs numériques », délivré par l’Autorité des marchés financiers. Ce statut lui permet de proposer d’autres services, liés aux cryptoactifs.

Malgré toutes ces cases, EDF cherchait à se séparer de sa filiale. D’un côté, l’énergéticien n’aurait pas les moyens de permettre à sa pépite tech de se développer à l’international, de faire passer l’activité de sa filiale à l’échelle. De l’autre, l’énergéticien doit financer son nouveau parc nucléaire tout en maintenant les prix de l’électricité bas pour l’industrie française : un casse-tête qui l’obligerait à se recentrer sur son cœur de métier, et à délaisser ses activités annexes, même si elles sont prometteuses.

Depuis, le dossier est en suspens, même si Mara et EDF se sont activés en coulisses pour sauver la cession, rapportait Contexte, le 11 septembre dernier. Certains craignent aussi que le deal comporte d’autres concessions qui favoriseraient l’entreprise américaine, au détriment de ses concurrents français et européens. Mara, de par ses activités de minage de bitcoins, nécessite d’énormes quantités d’électricité – le minage est le processus de calcul intensif par lequel les transactions Bitcoin sont validées, et des nouveaux bitcoins créés. Pour certains, la cession impliquerait aussi un accès par Mara à une électricité à bas coût et excédentaire d’EDF, un point qui ne semble pourtant pas faire pas partie de la cession, selon les communiqués de presse des deux principales intéressées.

En attendant, le flou qui entoure la vente d’Exaion ne devrait pas se dissiper avant le mois de novembre. Le Trésor français a encore quatre semaines pour décider de placer l’opération sous contrôle des investissements étrangers (IEF). Cette procédure vise à empêcher que des entreprises françaises hautement stratégiques ne tombent dans les mains de puissances étrangères.

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