faut-il laisser l’IA répondre aux messages à notre place ?

faut-il laisser l’IA répondre aux messages à notre place ?


« Je t’appelle plus tard ? » Le message est trop laconique, vaguement étrange avec ce point d’interrogation qui n’a rien à faire là, et vous le reconnaissez tout de suite, sans jamais être vraiment certain de son origine non plus. Avec leur formulation parfois trop neutre, parfois trop enjouée, leur infime décalage avec un message rédigé par un humain, les réponses automatiques se sont discrètement insinuées dans nos conversations. En 2016, Google lançait Smart Reply, un service de suggestions de réponses automatiques à des e-mails, pensées pour servir au plus grand nombre (« bien reçu », « avec plaisir », « entendu », etc.), parmi lesquelles nous n’avons plus qu’à choisir. Même plus besoin de perdre son temps à taper de longs mots comme « LOL » ou « merci », la machine le fait pour nous.

Lire l’enquête | Article réservé à nos abonnés Intelligences artificielles, les mille et une façons de les faire dérailler

A l’heure où ChatGPT, le robot conversationnel d’OpenAI, peut rédiger des lettres de motivation, d’amour ou de rupture personnalisées, la concession paraît dérisoire : que met-on de soi lorsque l’on envoie « je suis en réunion » ? Il y a ceux qui embrassent la technologie, et ne voient dans ces petites béquilles que le gain de temps réalisé, ou qui considèrent que c’est un égard de répondre rapidement à son correspondant. En 2017, déjà 10 % des courriels échangés étaient automatisés.

Et il y a les résistants. Ceux qui sentent qu’ils perdent quelque chose d’eux-mêmes en déléguant leur expression, même sous sa forme la plus basique. « C’est l’éternel débat qui existait déjà au XIXe siècle, pose François Jarrige, spécialiste de l’histoire des techniques et de l’industrialisation à l’université de Bourgogne. Oui, c’est plus commode, ça fait gagner du temps. Mais, en même temps, on est conscient que l’on s’inscrit dans une dynamique d’aliénation de longue durée, et que cette micropratique a des effets beaucoup plus vastes. »

« Dernière frontière »

« J’aurais honte de le faire, c’est méprisant pour l’autre. Et moi, je ne suis pas une machine », témoigne une lectrice avant d’ajouter : « Même si je rate souvent le test pour prouver que “je ne suis pas un robot”. » Le degré de trouble est en effet comparable à celui que l’on ressent lorsqu’un ordinateur nous intime l’ordre de lui prouver que l’on est bien humain en cliquant sur des images de camion. Quand je reçois un « Je te rappelle ? », qui me parle vraiment ? Quand je valide une suggestion de réponse, est-ce vraiment moi qui m’exprime ? « On arrive quasiment au bout de la logique, poursuit François Jarrige. On est en train d’automatiser toute une série de pratiques qui étaient considérées comme la dernière frontière de ce qu’il est impossible à automatiser. »

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