118 dégradations constatées entre juin et décembre 2022. Le Syane, le syndicat des énergies et de l’aménagement numérique de la Haute-Savoie, tient le triste décompte des dommages que subit son réseau de fibre optique. Il ne s’agit pas d’actes de sabotage opérés par des activistes, mais de dégradations systématiques causées le plus souvent par les sous-traitants des opérateurs télécoms.
Les portes des locaux de raccordement à la fibre sont crochetées, dégondées ou détruites au pied de biche. A l’intérieur, les déchets s’accumulent. On y trouve des bobines de câbles, mais aussi des restes alimentaires et des déjections. Pour alerter l’opinion publique sur ce mal endémique, des élus de la Haute-Savoie ont symboliquement bloqué, ce vendredi 24 février, les nœuds de raccordement optique (NRO) et les sous-répartiteurs optiques (SRO) sur les communes de Fillière, Saint-Pierre-en-Faucigny, La Balme-de-Sillingy, Bons-en-Chablais et Saint-Julien-en-Genevois.
Ce vandalisme généralisé n’est pas propre à ce territoire, qui a investi 300 millions d’euros depuis 2010 pour construire l’infrastructure du réseau d’initiative publique. Selon le dernier rapport de la Médiation des communications électroniques, près de la moitié des litiges entre abonnés à la fibre et les opérateurs portent sur des problèmes techniques.
Un fonctionnement « incompréhensible » et « ubuesque »
L’opération « coup de poing » des collectivités hautes savoyardes s’apparente en fait à un constat d’impuissance. Le Syane a tout d’abord mis, en vain, la pression sur son délégataire, Altitude Infrastructure, pour qu’il gère mieux l’infrastructure en fibre optique qui lui est déléguée. Or, « ce dernier est bien en peine d’améliorer les choses en la matière, car il n’a pas les mains libres sur le choix et le contrôle des sous-traitants qui réalisent les raccordements », rappelle le syndicat.
Le cadre réglementaire en vigueur permet en effet aux opérateurs privés qui commercialisent les abonnements fibre de s’imposer comme sous-traitants du délégataire, ou d’imposer leurs propres sous-traitants. Ce qu’on appelle dans le monde de la fibre le mode STOC, pour « sous-traitance par l’opérateur commercial ».
Dans la très grande majorité des cas, ce sont les sous-traitants d’Orange, Free, SFR ou Bouygues Telecom – voire les sous-traitants des sous-traitants – qui interviennent sur le terrain. Payés à la ligne raccordée, ils n’hésitent pas à forcer l’accès aux locaux de techniques, mais aussi à effectuer des débranchements sauvages. C’est-à-dire débrancher un abonné existant pour raccorder un nouveau foyer à la fibre.
Pour les élus de la Haute-Savoie, « ce fonctionnement génère des effets de bords insupportables, incompréhensibles, voire ubuesques. Leurs retentissements ruinent l’image du développement de la fibre optique en France, et notamment de l’action publique ». Alors que « la fibre optique est une chance pour nos territoires », voire « indispensable dans des localités qui subissent encore des débits ADSL insuffisants », il est « urgent d’agir pour maintenir la qualité du réseau ».
Faire évoluer la loi, encadrer le recours à la sous-traitance
Après avoir interpellé en vain le Préfet, les parlementaires, Jean-Noël Barrot (ministre délégué en charge de la Transition numérique et des Télécommunications), les élus et le Syane demandent de faire évoluer la loi et de faire en sorte que « le contribuable n’ait pas à payer les réparations de ces dégradations », d’encadrer le recours à la sous-traitance, voire d’interdire « l’accès des opérateurs au réseau public lorsque ceux-ci ne font pas le nécessaire pour que cessent ces dégradations ».
Sénateur de l’Ain et président de l’Avicca, une association représentant les collectivités, Patrick Chaize a déposé une proposition de loi le 19 juillet dernier, visant à « contraindre les opérateurs à réaliser les raccordements à la fibre optique dans les règles de l’art et de sécurité, et par ce biais à garantir aux consommateurs leur droit à une connexion internet de qualité ». Elle passera en lecture au Sénat dans le courant du printemps.
Dans son récent plan stratégique, InfraNum, syndicat professionnel regroupant les différents acteurs de la chaîne – opérateurs, intégrateurs, équipementiers, etc. – appelait, après le déploiement à un rythme soutenu de la fibre, à une phase de consolidation en mettant l’accent sur la qualité de service et la résilience des réseaux.
Alors que la filière télécoms a remis un plan d’action pour améliorer la qualité des réseaux fibre en septembre dernier, l’Arcep se dit vigilante sur son exécution en assurant un suivi mensuel. L’Autorité entend contrôler les opérations réalisées sur le terrain et s’assurer que les agents intervenant chez les clients ou sur les réseaux soient bien qualifiés et formés.
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