Illustration: harakir / Pixabay
Un outil efficace de cofinancement de projets de logiciels libres va-t-il disparaître? C’est ce que redoutent de nombreuses organisations libristes* dans une lettre ouverte à la Commission européenne** diffusée par Linuxfr (qui en est cosignataire). Il s’agit des programmes NGI (Next Generation Internet).
Soutien à l’infrastructure logicielle européenne
Le début de cette lettre :
« Depuis 2020, les programmes Next Generation Internet (NGI), sous-branche du programme Horizon Europe de la Commission Européenne financent en cascade (notamment, via les appels de NLnet) le logiciel libre en Europe. Cette année, à la lecture du brouillon du Programme de Travail de Horizon Europe détaillant les programmes de financement de la commission européenne pour 2025, nous nous apercevons que les programmes Next Generation Internet ne sont plus mentionnés dans le Cluster 4.
Les programmes NGI ont démontré leur force et leur importance dans le soutien à l’infrastructure logicielle européenne, formant un instrument générique de financement des communs numériques qui doivent être rendus accessibles dans la durée. Nous sommes dans l’incompréhension face à cette transformation, d’autant plus que le fonctionnement de NGI est efficace et économique puisqu’il soutient l’ensemble des projets de logiciel libre des plus petites initiatives aux mieux assises. La diversité de cet écosystème fait la grande force de l’innovation technologique européenne et le maintien de l’initiative NGI pour former un soutien structurel à ces projets logiciels, qui sont au cœur de l’innovation mondiale, permet de garantir la souveraineté d’une infrastructure européenne. Contrairement à la perception courante, les innovations techniques sont issues des communautés de programmeurs européens plutôt que nord-américains, et le plus souvent issues de structures de taille réduite.»
Parmi les commentaires dans Linuxfr, Stefane Fermigier, coprésident du CNLL, cite une vingtaine de projets dans le cloud qui ont bénéficié de financements NGI.
Plus de 500 projets soutenus les 5 premières années
Le rôle passé de ces financements est souligné:
«Ce sont plus de 500 projets qui ont reçu un financement NGI0 dans les 5 premières années d’exercice, ainsi que plus de 18 organisations collaborant à faire vivre ces consortia européens.
NGI contribue à un vaste écosystème puisque la plupart du budget est dévolu au financement de tierces parties par le biais des appels ouverts (open calls). Ils structurent des communs qui recouvrent l’ensemble de l’Internet, du matériel aux applications d’intégration verticale en passant par la virtualisation, les protocoles, les systèmes d’exploitation, les identités électroniques ou la supervision du trafic de données. Ce financement des tierces parties n’est pas renouvelé dans le programme actuel, ce qui laissera de nombreux projets sans ressources adéquates pour la recherche et l’innovation en Europe.»
Côté entreprises, le CNLL (Conseil national du logiciel libre) a publié de son côté un communiqué (mentionnant son plein accord avec la lettre ouverte précitée) où il « s’alarme de la suppression des programmes NGI dans le nouveau plan Horizon Europe », et relève:
«Les programmes NGI ont prouvé leur efficacité en soutenant l’infrastructure logicielle européenne, servant de mécanisme de financement vital pour favoriser les communs numériques et assurer leur durabilité à long terme. Ces initiatives ont été essentielles pour stimuler l’innovation technologique à travers l’Europe, bénéficiant aux entreprises de toutes tailles, des petites startups aux grandes entreprises bien établies. La diversité et la résilience de cet écosystème sont fondamentales pour maintenir l’avantage compétitif de l’Europe sur les marchés mondiaux.»
Durabilité, souveraineté numérique…
Le CNLL exhorte «la Commission européenne à reconsidérer l’omission de NGI dans le Cluster 4 du programme Horizon Europe pour 2025. Le financement et le soutien continus de NGI sont essentiels pour les raisons suivantes», expose-t-il:
1. Soutenir l’innovation et la croissance économique.
2. Assurer la durabilité à long terme.
3. Favoriser la collaboration et l’interopérabilité.
4. Promouvoir la souveraineté numérique.
Le communiqué note aussi que «parmi les membres du CNLL, il est probable que tous utilisent régulièrement au moins un des projets financés par NGI, commet par exemple: ActivityPub, BigBlueButton, Cryptpad, Jitsi, LibreOffice, Matrix, NextCloud, NixOS, Guix, Peertube, Tor, Thunderbird, Wireguard, WordPress, XWiki, e.Foundation / e/OS/, Mastodon, Open Street Map, Discourse, SourceHut, etc.»
* Les signataires de la lettre ouverte indiqués par Linuxfr sont petites singularités, John Livingston, Inventaire, CryptPad, Acoeuro, Fedicat, Fidus Writer, French Data Network, Framasoft, Code for France, YunoHost, Deuxfleurs, Parinux, Club Linux Nord-Pas de Calais, OW2, Radically Open Security, multi, Spare Cores, Iloth, Tetaneutral.net, OpenStreetMap France, SocialHub ActivityPub Community, Interpeer Project, VerifAI project, WordPress Francophone (WPFR), Restoration.software, Librecast Project, Open Knowledge Foundation, NextGraph.
** Plus précisément, la lettre initiale publiée par petites singularités s’adresse «aux NCP», autrement dit aux «points de contact nationaux» – PCN, ou NCP en anglais).
Lire aussi
NGI Search : la Commission européenne finance dix logiciels open source de recherche – 27 juin 2023
Les logiciels libres devraient stimuler l’économie européenne et accroître son autonomie – 7 septembre 2021
Les logiciels libres, un instrument pour restaurer une souveraineté numérique de l’Europe – 17 mars 2019
La Commission européenne privilégie le logiciel libre – 3 décembre 2018