France Travail (ex Pôle emploi) est à nouveau épinglé par la Quadrature du Net pour l’utilisation d’algorithmes, qui seraient utilisés pour contrôler les bénéficiaires d’indemnités chômage ou du RSA.
Après les algorithmes qui « accompagnent » les demandeurs d’emploi, des algorithmes qui « contrôlent » les bénéficiaires de France Travail (ex-Pôle emploi) ? La Quadrature du Net, une association de défense des droits numériques, accuse l’administration en charge d’accompagner les demandeurs d’emploi d’avoir déployé des « robots visant à automatiser et massifier le contrôle des personnes inscrites à France Travail ».
Dans un article publié sur son site Web, ce jeudi 22 mai, l’organisation estime qu’il s’agit d’un cran de plus dans ce qui est décrit comme « un dangereux projet de gestion algorithmique des personnes sans-emplois ». L’année dernière, l’association avait déjà ciblé France Travail et la CAF pour son recours à des « outils automatisés déshumanisant le travail des conseillers » ou « notant ses allocataires ».
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Un « contrôle social via les outils numériques » dénoncé
Selon cette organisation, des personnes inscrites à France Travail ou au RSA, depuis le 1er janvier dernier, font l’objet d’un profilage algorithmique, ces dernières étant classées selon différents « degrés de suspicion ». Or, « la massification des contrôles, via leur automatisation, fait porter un risque réel de répression sociale à grande échelle ». De quoi constituer « une extension sans fin du contrôle social via les outils numériques par les institutions de protection sociale », déplore l’association sur son compte LinkedIn.
Toujours selon l’ONG, l’administration en charge d’accompagner les demandeurs d’emploi a réorganisé son processus de contrôle de ses bénéficiaires. L’objectif du gouvernement serait d’ailleurs d’arriver à « 1,5 million de contrôles […] à l’horizon 2027 » rapporte la Quadrature, citant une déclaration de mars 2024 de Gabriel Attal. Le premier ministre d’alors avait annoncé qu’à la fin du quinquennat, il y aurait trois fois plus de contrôles sur les demandeurs d’emploi qu’en 2023.
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Et la loi dite « Plein Emploi » de décembre 2023, entrée en vigueur le 1er janvier dernier, aurait permis d’intensifier les contrôles actuels. Cette législation, connue pour imposer 15 heures d’activité hebdomadaire aux demandeurs d’emploi, aurait étendu le pouvoir de contrôle et de sanctions des personnes au RSA, avance la Quadrature du Net.
Dans son article, l’organisation dénonce le déploiement « de robots » d’aide destinés aux personnes chargées de contrôler les demandeurs d’emploi. Ces solutions algorithmiques permettraient d’analyser les dossiers des bénéficiaires de cette administration. Avec ces outils, les contrôleurs de France Travail seraient censés gagner du temps et de la productivité – ce qui reviendrait de fait à augmenter les contrôles réalisés, souligne l’association.
Les demandeurs d’emploi classés en trois niveaux
Si France Travail n’a pas confirmé utiliser ces robots, ni souhaité expliquer comment ces derniers fonctionnent, ces solutions algorithmiques classeraient les personnes sélectionnées selon « divers degrés de suspicion », basés sur les données personnelles de chaque demandeur d’emploi, explique l’association. Trois niveaux seraient prévus : « clôture » (pas de suspicion), « clôture potentielle » (suspicion moyenne) ou « contrôle potentiel » (suspicion forte).
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L’ONG, qui déplore le manque de transparence de l’ancien Pôle emploi sur les algorithmes qui seraient utilisés, s’est basée sur un document interne, communiqué aux équipes de contrôle de France Travail il y a quelques mois. Le texte liste plusieurs « indices » permettant de classer les manquements des demandeurs d’emploi contrôlés, ces éléments ayant été notés selon leur niveau d’importance. Dans cette liste, on trouve notamment, souligne l’organisation :
- « l’absence de périodes récentes de travail ou de formation,
- l’absence de mobilisation des outils numériques mis à disposition par France Travail (offres, CV ou carte de visite en ligne),
- l’absence de contact avec son ou sa conseillère ;
- les résultats des derniers contrôles de recherche d’emploi,
- l’absence de candidatures envoyées via le site de France Travail ou encore
- le non-respect des 15 « heures d’activité » prévue par la loi Plein Emploi ».
Contacté ce jeudi 22 mai par 01net.com, France Travail n’avait pas répondu à notre demande de commentaires, à l’heure de la publication de cet article.
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