France Travail (ex Pôle emploi) épinglé par la Quadrature du Net pour son recours aux algorithmes

Algorithmes données


France Travail utilise de plus en plus d’algorithmes pour accompagner les demandeurs d’emploi, déplore l’association qui défend les libertés en ligne. Ce recours à des outils automatisés déshumanise le travail des conseillers, et conduit dans certains cas à un véritable flicage des demandeurs d’emploi les plus précaires, estime la Quadrature du Net.

Après la CAF, critiquée pour son recours aux algorithmes de notation ciblant les allocataires, France Travail (ex Pôle emploi) ? L’administration en charge d’accompagner les demandeurs d’emploi est dans le collimateur de la Quadrature du Net, qui s’alarme d’un « service public de l’emploi largement automatisé ». Quiconque passe par la case chômage et par une inscription à France Travail se verrait « évalué, trié, classé » non pas par des conseillers, mais par des algorithmes, explique mardi 25 juin l’association de défense des droits numériques dans un article publié sur son site Web.

À l’« accompagnement sur mesure de masse » et des « parcours personnalisés avec le numérique et l’intelligence artificielle » décrits par Thibaut Guilluy, le directeur de France Travail qui était interrogé le 30 mai dernier chez nos confrères de BFM TV, l’association rétorque qu’il s’agit au contraire de davantage de contrôle réalisé par algorithmes. De quoi constituer une véritable « mécanisation et une déshumanisation de l’accompagnement » que les demandeurs d’emploi sont censés recevoir.

Le recours aux algorithmes pour lutter contre la fraude

Selon la Quadrature du Net, le virage aurait été pris dès 2013, initialement pour « lutter contre la fraude » aux indemnités chômage. Après des premiers travaux menés en interne, dont le bilan est mitigé, c’est Cap Gemini, la société de conseil, qui aurait pris la suite du développement de ces outils automatisés . Dès 2018, les chômeurs sont notés via un score de suspicion à la fraude, basé sur un certain nombre d’éléments comme les temps de travail, les salaires touchés, les condamnations ou sanctions administratives ou pénales, explique l’organisation de défense des libertés numériques. Un système d’alerte a aussi été testé, quand des « situations suspectes » apparaissent, entraînant des contrôles réalisés par des conseillers.

En 2018, Pôle emploi passe à la vitesse supérieure en lançant « Intelligence Emploi », un programme d’IA développé par l’administration. L’objectif est de « permettre “d’augmenter la capacité de diagnosticdu conseiller, relative aux traitements des aspects motivationnels” via la “détection de signaux psychologiques” », écrit l’association. Selon un document confidentiel de Pôle emploi adressé à la direction interministérielle du Numérique (Dinum) datant de 2020 et publié par la Quadrature, il s’agit aussi « d’améliorer l’accompagnement (du demandeur d’emploi) par l’exploitation d’informations permettant de détecter des situations de décrochage ou de découragement ». Chaque demandeur a un « score de retour à l’emploi, un algorithme de réseau de neurones permettant de connaître la probabilité pour un demandeur d’emploi de retrouver du travail dans les six prochains mois », relate l’ONG.

Un « flicage des plus précaires » ?

Aujourd’hui, un outil de « Journal de la Recherche d’Emploi » est expérimenté sur une partie du territoire. Le demandeur d’emploi est noté selon quatre scores de profilage psychologique destiné à évaluer la « dynamique de recherche » d’emploi, les « signes de perte de confiance », le « besoin de redynamisation » ou les « risques de dispersion », poursuit l’association. Si ces scores sont moindres, le conseiller doit agir, en faisant le point sur la situation du demandeur : une démarche qui pourrait aboutir à des actions d’accompagnement, qui pourraient s’intensifier. L’algorithme peut aussi à ce stade proposer des « conseils personnalisés » au demandeur d’emploi.

Un autre projet a trait à « l’employabilité » du demandeur – un score qui évalue ses chances de décrocher un emploi. L’association craint qu’un tel algorithme ne contrôle, en temps réel, la progression de la recherche d’emploi et la bonne volonté du chômeur. Autre élément pointé du doigt : l’interface XP RSA, qui obligera les demandeurs à déclarer leurs quinze à vingt heures d’activités hebdomadaires à réaliser, s’ils veulent toucher les minima sociaux : de quoi constituer « un pas supplémentaire vers le flicage des plus précaires », regrette la Quadrature du Net. Pour cette dernière, ces développements et recours aux algorithmes n’ont pas pour objectif de libérer du temps au conseiller. Ils serviraient à davantage contrôler les demandeurs d’emploi, et à « forcer les plus précaires à accepter des conditions de travail toujours plus dégradées ».

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Source :

Article de la Quadrature du Net du 25 juin 2024



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