« French Bukkake », plongée dans une filière de traite des femmes au service de l’industrie du porno

« French Bukkake », plongée dans une filière de traite des femmes au service de l’industrie du porno


Un premier SMS : « Police ». Suivi d’un deuxième : « Chez moi ». Il est 6 h 16, ce 13 octobre 2020. Pascal Ollitrault, alias Pascal OP, producteur et acteur de porno à la tête du site « French Bukkake », vient d’envoyer ses deux derniers messages à son compère et associé, Mathieu L. , alias Mat Hadix, avant d’être interpellé et placé en garde à vue. En perquisitionnant sa maison, les gendarmes de la section de recherche de Paris viennent de mettre fin à des années d’échanges prolifiques entre les deux hommes. Et de franchir une étape majeure dans ce qui est, à ce jour, la plus grande enquête sur des violences sexuelles commises en France.

Les milliers de messages SMS ou WhatsApp échangés entre 2015 et 2020 par Pascal OP, Mat Hadix et leurs divers associés également mis en examen, dont Le Monde a pu prendre connaissance, donnent à voir de l’intérieur la gestion d’une filière d’approvisionnement similaire à celle d’un trafic de drogue, à la différence près que l’on parle de jeunes femmes manipulées. Ils éclairent également d’une lumière crue les conditions dégradantes de réalisation de ces vidéos, ensuite diffusées sur Internet et regardées par des millions de personnes, dont de nombreux adolescents.

Retrouvez tous les papiers de notre série : Viols en réunion, traite d’êtres humains, proxénétisme : l’enquête qui fait trembler le porno français

Sont concernés, au premier chef, les deux mastodontes français du secteur, Dorcel et Jacquie & Michel, mais également toutes les plates-formes de diffusion de VOD, comme celle d’Orange. La société, dont l’Etat français est actionnaire, apparaît dans ce dossier pour avoir diffusé des vidéos issues de productions soupçonnées par les enquêteurs d’avoir usé de jeunes femmes dont le consentement a été extorqué par un système présentant tous les atours d’un réseau criminel.

Une information judiciaire est ouverte depuis octobre 2020, entre autres pour « viols », « traite d’êtres humains aggravée », « proxénétisme aggravé », « diffusion de l’enregistrement d’images relatives à la commission d’une atteinte volontaire à l’intégrité de la personne », « exécution d’un travail dissimulé commis à l’égard de plusieurs personnes »… Douze personnes ont été mises en examen et quatre sont actuellement en garde à vue, dans un dossier qui compte, à ce jour, au moins cinquante-trois plaignantes.

« Répond pas et bloque »

Des noms de jeunes femmes en pagaille, des photos dénudées, des appréciations physiques dégradantes, le tout agrémenté « de mèmes [blagues virales] et de montages à caractère raciste » dont les enquêteurs notent la profusion : les échanges de messages entre les principaux mis en examen ressemblent à ceux d’un mauvais forum Internet. « Après les débâcles négresse et femme enceinte, pourraient-on réeesayer avec Shaineez la bougnoule et l’attardée de chatillon », envoie par exemple Célian V., réalisateur, à son « ami » Mat Hadix. Derrière les commentaires avilissants se dévoile aussi un véritable business. Un vocabulaire pour initiés, une comptabilité de boutiquiers faite de commissions en cash, et une gestion logistique des femmes comme de la marchandise.

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