Les chercheurs de Google ont récemment franchi des étapes significatives, renforçant l’idée que l’informatique quantique est une technologie tangible, destinée à s’intégrer aux autres types d’ordinateurs.
Mais il reste encore beaucoup à faire : leur dernière innovation, une puce quantique nommée Willow, conçue dans leur centre de recherche de Santa Barbara, agit comme une puce mémoire. Elle n’exécute aucune opération complexe, et se limite donc au stockage d’un bit lisible. Exploiter pleinement les qubits qui composent cette puce nécessitera encore un important travail de développement pour concevoir des circuits logiques adaptés.
Une étape clé
La percée fondamentale, détaillée par le magazine Nature (qui a publié la première étude de Google sur le sujet), est d’être parvenue à réduire les erreurs des qubits en dessous d’un seuil critique. Une machine quantique peut alors traiter les informations de manière fiable, avec un taux d’erreur tolérable.
Créer un « bit » d’information quantique nécessite d’assembler plusieurs qubits physiques, constitués de matériaux spécifiques. Google, avec son processeur Willow, utilise une technologie appelée transmon. Ce composant est un condensateur supraconducteur, refroidi à des températures extrêmes proches du zéro absolu, et développé initialement à l’Université de Yale il y a 20 ans.
Depuis des années, les chercheurs, que ce soit chez Google ou dans d’autres institutions, combinent ces qubits physiques pour créer des qubits dits « logiques ». Ces derniers sont plus stables, car un qubit physique seul ne dure que quelques milliardièmes de seconde, rendant son utilisation insuffisante pour permettre au circuit de décodage de lire ses informations avec fiabilité.
Réduire les erreurs des qubits
Le qubit logique, qui est en fait une synthèse de plusieurs qubits physiques, peut persister deux fois plus longtemps qu’un qubit physique individuel. Cette durée accrue permet de lire sa valeur, rendant son utilisation pratique et exploitable.
Le véritable défi résidait dans la réduction des erreurs provoquées par le bruit ambiant auquel les qubits physiques sont sensibles. Si le niveau de bruit est trop élevé, le qubit logique devient inutilisable. Bien que des techniques de correction aient été développées au fil des années, Google a accompli une percée majeure. Pour la première fois, ses chercheurs ont réussi à réduire les erreurs des qubits physiques en dessous du seuil critique, rendant possible la création d’un qubit logique fiable.
La puce Willow de Google, dotée de 105 qubits physiques, introduit plusieurs améliorations dans son processus de fabrication. Et ce sont ces avancées qui apportent une réduction significative des erreurs.
Une avancée remarquable
Selon Rajeev Acharya, auteur principal de l’étude chez Google, et ses collaborateurs, « chaque fois que la distance de code augmente de deux, l’erreur logique par cycle est réduite de plus de moitié ». Cette avancée ouvre des perspectives fascinantes : des qubits logiques fiables peuvent désormais être mis à l’échelle. Autrement dit, il devient possible d’ajouter davantage de qubits physiques tout en maintenant le bruit en dessous du seuil critique, garantissant ainsi la fiabilité des qubits logiques produits.
La mise à l’échelle a été la clé des progrès des puces informatiques traditionnelles, permettant d’assembler des milliards de transistors sur un carré de silicium pour obtenir des circuits de plus en plus puissants. Appliqué au quantique, ce principe de mise à l’échelle pourrait à terme permettre la création de circuits de qubits logiques fiables, offrant des niveaux inédits de puissance et de performance.
La couverture de cette annonce par le magazine Nature et son concurrent Science inclut des analyses d’experts reconnus du domaine. Le consensus est clair : comme l’indique Nature, il s’agit d’une « avancée véritablement remarquable ».
Beaucoup de travail reste à accomplir
Il est toutefois important de rappeler l’ampleur des défis qui restent à relever. Si la percée de Google marque une avancée majeure dans la réduction des erreurs de seuil, elle ne signifie pas pour autant que le problème des erreurs est résolu.
Comme le soulignent Rajeev Acharya et son équipe, la mise à l’échelle des taux d’erreur doit encore atteindre un niveau de précision bien supérieur pour que les qubits logiques soient pleinement exploitables dans des applications pratiques. Ce travail reste essentiel pour transformer ces progrès en véritables révolutions dans le domaine du calcul quantique.