Binance traverse une nouvelle zone de turbulences. Le géant des cryptomonnaies vient d’être privé de son stablecoin, le BUSD, à la suite de la décision soudaine des régulateurs américains. La mort annoncée de la devise numérique risque de provoquer de violentes secousses dans tout l’écosystème…
Alors que l’écosystème est encore marqué par l’effondrement de FTX, la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis s’est lancée dans une véritable croisade contre les géants de la cryptomonnaie. Le régulateur financier américain s’est notamment attaqué à l’un des principaux stablecoins de l’industrie, le BUSD.
Pour rappel, un stablecoin est une cryptomonnaie adossée à une monnaie fiduciaire, généralement le dollar. Le cours des devises numériques garanties par une devise fiat est stable. Pour stabiliser le prix du token, chaque stablecoin est garanti par une réserve d’argent, composée de liquidités ou d’autres biens, comme des métaux précieux par exemple.
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Un nouveau stablecoin mord la poussière
Le gendarme a estimé que le BUSD, le stablecoin de Binance, enfreint la législation des États-Unis. La cryptomonnaie n’a pas été enregistrée comme un titre financier, ce qui représente une « violation des lois de protection des investisseurs ». Sur demande de la SEC, le Département des services financiers de New York (NYDFS) a donc ordonné à Paxos, la société new-yorkaise qui émet le BUSD pour le compte de Binance, de mettre un terme au stablecoin. L’organisme pointe du doigt « plusieurs problèmes non résolus liés à la surveillance par Paxos de sa relation avec Binance par le biais de BUSD ».
#BUSD. A thread. 1/8
In summary, BUSD is issued and redeemed by Paxos. And funds are #SAFU!
— CZ 🔶 Binance (@cz_binance) February 13, 2023
Contraint d’obéir aux régulateurs, Paxos a annoncé la fin de l’émission du BUSD à partir du 21 février 2023. Il ne sera plus possible d’émettre de nouveaux tokens après cette date. Pour Changpeng Zhao, PDG et fondateur de Binance, cette interdiction signe la mort de la devise numérique. Il s’attend à ce que les utilisateurs se détournent progressivement du stablecoin.
« Par conséquent, la capitalisation boursière du BUSD ne fera que diminuer avec le temps », admet Changpeng Zhao sur Twitter.
Néanmoins, les BUSD déjà émis restent garantis par les réserves de Paxos, au moins jusqu’en février 2024. Paxos laisse ainsi le temps aux investisseurs de convertir leur mise. À ce stade, rien n’indique que le BUSD subira le même sort que l’UST, qui a brusquement perdu toute sa valeur en mai 2022. Un BUSD vaut toujours un dollar. Le stablecoin reste indexé sur la valeur du dollar, et cela ne devrait pas changer.
Bien qu’il ait obéi aux régulateurs, Paxos se dit catégoriquement opposé au personnel de la SEC. D’après la firme new-yorkaise, réputée pour sa solide régulation, « le BUSD n’est pas un titre en vertu des lois fédérales sur les valeurs mobilières ». Paxos affirme être disposé à faire valoir ses droits devant les tribunaux. L’affaire est loin d’être terminée.
Comme l’indique Changpeng Zhao, Binance n’est qu’une victime collatérale d’un conflit opposant la SEC à Paxos. Néanmoins, on peut estimer que le serrage de vis décrété par le régulateur vise surtout à affaiblir les entités, surtout étrangères, qui proposent des stablecoins… en vue de l’émergence d’un hypothétique dollar numérique ?
Nouveau « stress test » pour le titan Binance
Sans surprise, l’annonce a provoqué d’importants séismes sur le marché des cryptomonnaies. En l’espace d’une journée, 2,7 milliards de dollars de BUSD ont quitté la plate-forme, révèlent les experts de Nansen. Traumatisés par les catastrophes à répétition de l’année dernière, les investisseurs ne prennent plus le moindre risque.
C’est déjà la deuxième vague de retraits qui frappe Binance en l’espace de quelques mois. En décembre, la Preuve de Réserve de l’exchange, accompagnée d’un simulacre d’audit, avait déjà provoqué l’abandon d’une partie des utilisateurs. Malgré la pression, Binance est encore une fois parvenu à honorer tous les retraits sans rencontrer de difficultés. Selon un porte-parole de Binance, interrogé par CoinTelegraph, plus d’un milliard de dollars ont été retirés de l’exchange en douze heures. L’afflux de demandes a « été géré avec facilité ».
Le cours du BNB, la cryptomonnaie utilitaire de Binance, a subitement dévissé après l’annonce de la mort du BUSD. La devise numérique, au cœur de l’écosystème de Binance, est brièvement passée sous le seuil des 285 dollars, avant de se stabiliser autour des 295 dollars. Les mesures prises par les régulateurs poussent les investisseurs à se détourner des tokens liés à Binance, du moins à court terme.
Le BUSD, essentiel pour Binance ?
Le BUSD est un autre élément essentiel de l’écosystème mis au point par Binance. Le stablecoin permet de réaliser des paiements, par le biais de la carte Binance ou Binance Pay, de profiter de rendements élevés, ou de faire du trading sur la plate-forme. De plus, l’entreprise de Changpeng Zhao détient une grande partie de ses actifs sous la forme de BUSD. D’après la Preuve de Réserve publiée en décembre, Binance conserve 15 % de ses avoirs en BUSD, soit 21 milliards des 71 milliards de dollars stockés par l’exchange.
Le BUSD est par ailleurs la troisième cryptomonnaie la plus importante des réserves de Binance, derrière le BNB et l’USDT. Enfin, on notera que 90 % des BUSD sur le marché sont stockés sur la plate-forme Binance. Notez que la fin du BUSD n’affecte pas uniquement Binance et ses clients. Le token est le troisième stablecoin le plus répandu de tout l’écosystème, avec une capitalisation de plus de 16 milliards de dollars. La mort du BUSD devrait mécaniquement profiter aux deux autres principaux stablecoins, à savoir l’USDT de Tether et l’USDC de Circle.
Face à la tempête provoquée par la SEC, Changpeng Zhao s’est voulu rassurant. L’entreprise a prévu des ajustements immédiats suite à la défection de Paxos. Tout d’abord, Binance va cesser de mettre en avant le BUSD pour les opérations de trading. En parallèle, la firme explore la possibilité de lancer un stablecoin qui ne soit pas basé sur le dollar américain, vraisemblablement pour échapper aux assauts des régulateurs.
« Si le BUSD est considéré comme un titre par les tribunaux, cela aura des conséquences importantes sur la manière dont le secteur des cryptomonnaies va se développer », regrette le patron de Binance.
La décision de la SEC s’inscrit dans le cadre d’une vaste croisade contre les géants des cryptomonnaies. Quelques jours plus tôt, le gendarme boursier a d’ailleurs ordonné à Kraken, l’un des vétérans de l’industrie, à cesser une partie de ses activités sur le sol américain. Le régulateur souhaite passer au peigne fin toutes les activités de l’exchange pour traquer les irrégularités. Ces offensives risquent de déstabiliser l’écosystème crypto, toujours fragilisé pour une année 2022 éprouvante…