Guilhem Giraud est un soutier du renseignement : cet expert des technologies de surveillance et des écoutes a travaillé des années pour l’Etat français, à la direction de la surveillance du territoire (DST) et au ministère de la justice notamment. Il a ensuite œuvré dans le privé, collaboré avec l’entreprise française Amesys, impliquée dans l’installation dans la Libye de Mouammar Kadhafi d’un système de surveillance de masse, et à son compte, pour divers Etats et gouvernements.
Il publie, jeudi 29 septembre, Confidences d’un agent du renseignement français (Robert Laffont). Par son récit, sans précédent dans ce milieu, il souhaite alerter l’opinion sur les dérives d’un monde secret. Il s’inquiète notamment des dérives du logiciel Pegasus, utilisé pour espionner activistes, journalistes et responsables politiques dans de nombreux pays.
Vous avez fait carrière dans un secteur sensible et secret. Qu’est-ce qui vous a poussé à faire un livre ?
J’ai été choqué par mon contact avec NSO en 2016. C’est là que j’ai commencé à me questionner et à envisager de communiquer pour éveiller les consciences sur ce genre de pratiques.
Que s’est-il passé ?
A l’époque, j’avais un contrat de conseil avec un gouvernement d’un pays du Golfe pour les aider à sécuriser les communications de la famille royale et du premier ministre. Je travaille alors quasiment quotidiennement avec un prince qui me fait parvenir ses demandes. Un matin, devant mon bureau, je trouve un conseiller du chef d’Etat qui m’attend, une visite que je n’ai jamais reçue auparavant. En général, on m’envoie un militaire, c’est toujours le même canal hiérarchique. Là, pas du tout.
Le conseiller me dit : « Il faut que tu appelles ce type », un dirigeant de NSO, « c’est pour un système super, qu’on veut avoir ». Pour moi, c’était un signe qu’on était en dehors de toute procédure. Le conseiller me dit : « Avec, on peut écouter tout le monde. » Mais tout le monde, c’est quoi ? Il me répète juste qu’on peut écouter tout le monde, même les gens dont on pense que ce sont nos amis. Je sais qu’il répète quelque chose qui lui a été suggéré. Je pense que le commercial de NSO qui les avait démarchés avait réussi à trouver des clés.
Je comprends maintenant que ce que NSO proposait à chaque fois, c’était de s’affranchir des procédures légales de mise sur écoute. Avec un pays [Israël, où NSO Group est basé] qui ne se donne aucune règle pour la vente et l’emploi de ce logiciel espion, vous pouvez aller quelque part et dire « vous voulez écouter Tartempion ? Personne ne sera au courant ». « Vous pouvez écouter partout dans le monde » : c’est ça que vendait NSO.
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