Harcèlement d’une streameuse : l’hébergeur CloudFlare sous pression

Harcèlement d’une streameuse : l’hébergeur CloudFlare sous pression


Depuis le 20 août, l’entreprise américaine Cloudflare est interpellée sur les réseaux sociaux : ce réseau de diffusion de contenus (CDN, pour « Content Delivery Network »), utilisé par des millions de sites Internet dans le monde, fait l’objet d’une campagne visant à le pousser à bloquer un forum utilisant ses services. Ce dernier, baptisé « Kiwi Farms », est à l’origine d’une vague de harcèlement visant la streameuse canadienne et activiste transgenre Clara « Keffals » Sorrenti, laquelle a été obligée, devant la violence des attaques la visant, de fuir sa propre maison.

Tout a commencé deux semaines plus tôt. Le 5 août, Keffals, qui s’est fait connaître sur la plate-forme Twitch avec des streams de jeux vidéo est victime d’un « swatting ». Cette pratique consiste à faire croire à la police que des événements graves se déroulent à l’adresse de la victime, de façon que les forces de l’ordre et plus particulièrement le SWAT (le GIGN américain) s’y rendent. Keffals s’est ainsi retrouvée sans raison tenue en joue à son domicile de London, dans l’Ontario, et « mégenrée » à de nombreuses reprises – le message anonyme ayant mis la police sur sa piste ayant volontairement utilisé son ancien état civil.

Après avoir raconté cette première épreuve dans une vidéo postée le 9 août sur Youtube, la vidéaste et son fiancé font l’objet d’une deuxième attaque, leurs harceleurs ayant réussi à identifier l’hôtel dans lequel ils se sont réfugiés grâce à une simple photo de leur chat sur un lit. Depuis, comme le raconte Clara Sorrenti dans une deuxième vidéo publiée le 18 août, le couple vit « dans un lieu tenu secret ». Elle y accuse les membres du forum Kiwi Farms, considérés par le New York Magazine comme « la plus grande communauté de harceleurs sur le Web », d’avoir rendu son adresse publique – une pratique connue sous le nom de « doxing ». Elle révèle aussi faire l’objet d’une campagne de haine « depuis plusieurs mois » et dit « craindre à l’avenir une escalade dans la violence à [s]on endroit ».

« La plus grande communauté de harceleurs »

Les origines de Kiwi Farms remontent à 2007 sur 4Chan. Les membres de ce forum ont pour spécialité de se moquer, de harceler en meute et de pousser à bout des internautes, en particulier les personnes transgenres, en surpoids ou atteintes du syndrome d’Asperger. Au moins une personne prise pour cible par Kiwi Farms s’est suicidée en 2016, rappelait, à l’époque, le New York Magazine. Les membres du forum ont décliné toute responsabilité et continué, depuis, à harceler de nombreuses personnes qu’ils considèrent comme « excentriques ».

Utilisant notamment sur Twitter les hashtags #DropKiwiFarms, #TimesUpCloudFlare et #CloudflareProtectsTerrorists, Keffals et ses soutiens appellent à présent CloudFlare à cesser de proposer ses services à Kiwi Farms. Selon ses propres règles d’utilisation, comme le rappelle Vice, la société interdit, en effet, « tout contenu rendant publiques des informations personnelles sensibles, incitant à utiliser la violence ».

Pour l’heure, CloudFlare n’a toujours pas réagi officiellement, se contentant de restreindre la capacité des internautes à répondre aux messages postés sur le compte Twitter officiel de l’entreprise. Historiquement, la société a toujours revendiqué sa neutralité, arguant qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur la dangerosité ou la validité de ce que ses utilisateurs postent sur Internet.

Une étude de l’université de Stanford montre toutefois que l’entreprise joue un rôle particulier dans la dissémination de la désinformation et de la haine en ligne : alors qu’un site Internet sur cinq utilise ses services d’hébergement, cette proportion bondit à un site sur trois dès lors que l’on considère uniquement les sites réputés pour leur toxicité, d’après les chercheurs. Dans le cas de Kiwi Farms, le forum n’est pas hébergé par CloudFlare, rappelle le site Axios, mais il bénéficie tout de même de certains de ses services.

A l’instar des grands réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter, qui ont tenté de maintenir une position « neutre » similaire, avant de l’infléchir ces dernières années, CloudFlare a déjà fait le choix d’agir. En 2017, l’entreprise avait ainsi supprimé le compte du site néonazi « Daily Stormer » après le meurtre d’une manifestante antiraciste lors d’un rassemblement d’extrême droite à Charlottesville, en Virginie.

Keffals est loin d’être la seule streameuse à être prise ainsi pour cible. Dans un article du New York Times, l’Américaine Brooke Bond raconte ainsi les menaces de mort dont elle et sa famille ont pu faire l’objet, pour des raisons triviales. En France, un homme a été condamné en mai 2022 à un an de prison pour avoir harcelé la vidéaste Maghla. Plus récemment, c’est la streameuse AVAMind qui, en plein direct sur Twitch, faisait écouter à ses abonnés un message particulièrement violent laissé par un internaute.

Le Monde





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