La Sorbonne est un lieu qui décidément plaît à Emmanuel Macron. Le président de la République y a prononcé ses discours parmi les plus connus. Nouvellement élu, il exposait, en 2017, sa vision d’une Europe « souveraine, unie et démocratique » dans la célèbre université. Il s’agissait alors de relancer le projet européen face au Brexit, à la crise migratoire et à la montée des populismes.
Huit ans plus tard, c’est une autre menace plus inattendue qui pèse sur le Vieux Continent. La guerre commerciale lancée par « l’allié » américain rebat les cartes des vielles alliances et donne une force nouvelle à la volonté de l’Union européenne de recouvrer sa souveraineté technologique.
Depuis l’amphithéâtre de la Sorbonne, Emmanuel Macron a profité, ce lundi 5 mai, du lancement de « Choose Europe for Science », pour remettre en question nos dépendances technologiques vis-à-vis des États-Unis. Cette initiative vise à inciter les chercheurs du monde entier à choisir l’Europe et la France pour exercer leurs talents.
« Il n’y a pas de vassalité heureuse », a rappelé le chef de l’État. « Il peut y avoir un côté agréable à ne pas faire l’investissement qui suppose de redevenir indépendant. Mais à la fin, on finit toujours par le payer. » Estimant ne pas avoir « été totalement suivi » suite à son appel de 2017, il évoque la situation « tellement confortable d’être main dans la main avec les Américains. Il y avait une conviction forte de beaucoup d’Européens. Jamais on ne sera lâchés. »
Ne plus dépendre des hyperscalers
Pour illustrer son propos, Emmanuel Macron a pris l’exemple du marché du cloud. « Nous avons commis la profonde erreur de ne pas avoir de vrai cloud européen. » Il faut, selon lui, se réatteler à cette tâche. « Nous ne pouvons pas dépendre de quelques entreprises américaines pour avoir un véritable cloud, parce qu’il en va aussi de l’intérêt général. »
Le dirigeant français a, par ailleurs, fait allusion à Starlink, sans le nommer. « Nous avons eu tort de céder une partie de la couverture satellitaire à des acteurs privés. » Propriétaire de l’opérateur, Elon Musk a menacé, début mars, l’Ukraine de couper son réseau de communication par satellites pour forcer la pays à accepter le plan de paix de l’administration Trump.
Les actuelles tensions transatlantiques doivent sonner « un réveil stratégique ». « Nous devons donc retrouver partout, dans tous les segments de la recherche et de notre industrie, cette autonomie stratégique qui est indispensable. »
Objectif : ne dépendre ni de la Chine ni des États-Unis d’Amérique quand il s’agit « des algorithmes qui rythment nos sociétés, qu’il s’agisse de l’accès à l’espace, de la compréhension de nos océans, de la compréhension du climat, des semi-conducteurs, etc. »
Cent millions d’euros pour attirer les chercheurs
Et comme tout crise est source d’opportunités, la France et l’Europe veulent devenir un « refuge » pour les chercheurs américains menacés par les coupes budgétaires, la censure des programmes de recherche ou la restriction du nombre de visas accordés.
« Personne ne pouvait penser qu’une des plus grandes démocraties du monde allait biffer d’un trait la capacité à avoir des visas de tel ou tel chercheur, parfois de ceux qui avaient contribué à sa propre sécurité numérique », tacle Emmanuel Macron.
A côté des 500 millions d’euros annoncés le même jour par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, le chef de l’État a avancé un investissement supplémentaire de 100 millions d’euros, puisé dans le programme France 2030. Parmi les sujets prioritaires, il a cité le quantique et l’intelligence artificielle.
Sécuriser les données scientifiques
Selon lui, le pays des Lumières a montré sa capacité à « s’émanciper de tous les dogmes ». Mis en ligne le mois dernier, la plateforme « Choose France for science » aurait déjà enregistré « plus de 30 000 connexions, dont un tiers depuis les Etats-Unis, et plusieurs centaines de dossiers ouverts.»
Emmanuel appelle également à simplifier les partenariats entres laboratoires publics et secteur privé et salue les établissements français comme le CNRS ou Centrale Supélec qui ont lancé, sans attendre, des programmes visant à faire venir les chercheurs étrangers.
Enfin, alors que, depuis le retour de Donald Trump au pouvoir, des milliers de données scientifiques, dont certaines liées à la santé publique ou à la recherche climatique, ont été supprimées des plateformes gouvernementales américaines, la France et l’Europe se proposent de récupérer ces bases de recherche et de les mettre à l’abri.