ChatGPT est, techniquement, un prodige : ce service proposé par la société OpenAI est capable de produire des textes avec une syntaxe si sophistiquée et avec des variations si nombreuses qu’il est difficile de différencier ces créations de textes écrits par des humains. Cependant, ChatGPT n’est que la dernière manifestation d’une évolution technologique vieille de plusieurs années.
De plus en plus de secteurs sont confrontés à l’émergence de ces outils d’intelligence artificielle (IA) qui, après avoir étudié des milliards de fragments de phrases, d’images ou de codes informatiques, sont capables d’accomplir des tâches qu’on aurait crues, il y a encore quelques années, inaccessibles à la machine. Cette évolution ne se fait pas sans heurt ni questionnements.
Illustration automatisée
Stable Diffusion, Midjourney ou DALL-E sont les derniers-nés du secteur : apparus en 2022, ces services permettent de transformer une courte phrase ou quelques mots-clés en une image représentant, avec une justesse parfois surprenante, les objets ou représentations demandés par l’utilisateur. De nombreuses tâches autrefois dévolues aux illustrateurs deviennent accessibles à des personnes ne disposant pas de compétences en dessin mais qui, en revanche, ont appris à maîtriser l’art du « prompt », c’est-à-dire la capacité à produire des instructions envoyées à la machine pour lui permettre de créer une image de toutes pièces.
Depuis quelques mois, on voit ainsi fleurir des projets de bandes dessinées réalisées entièrement grâce aux IA, des prototypes de jeux vidéo ou encore des couvertures de livre. Au mois d’octobre 2022, la banque d’images Shutterstock a ainsi annoncé un partenariat avec OpenAI, afin de proposer directement sur sa plate-forme des fonctionnalités de génération automatique d’illustrations grâce à l’IA.
Ombremonde, illustrateur membre du Syndicat des travailleurs artistes-auteurs (STAA) CNT-SO, se souvient de ses premières impressions face à ces nouveautés : « Au début, beaucoup trouvaient ça plutôt cocasse. On s’amusait un peu avec. Mais, quand les artistes ont commencé à comprendre que ces services utilisaient leurs œuvres, cela a suscité de nombreux débats. »
Au-delà des initiatives individuelles et des appels au boycott, une action collective a ainsi été ouverte, le 13 janvier 2023 aux Etats-Unis, par un groupe d’auteurs et d’artistes contre Stable Diffusion, accusé d’avoir entraîné son modèle sur des images sans avoir obtenu le consentement de leurs auteurs. A moyen terme, certains illustrateurs redoutent qu’une partie de leur travail ne soit déléguée à des machines. « Je crains qu’à l’avenir nous soyons dépossédés de notre travail, s’inquiète Ombremonde. Par exemple, qu’on nous demande de plus en plus de corriger des images générées par intelligence artificielle. »
Il vous reste 64.7% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.