Après avoir ouvert ses usines aux autres l’an dernier, Intel va aller plus loin et faire de ses équipes de design un client comme les autres de son service de fonderie. Une démarche qui vise à améliorer la compétitivité de toutes ses divisions, plombées par la concurrence et un marché difficile.
Intel investit des milliards, lance toujours des processeurs, a de nombreuses et intéressantes feuilles de route… mais sa santé n’est pas encore au beau fixe. Un an et demi après avoir repris les rênes du numéro 1 mondial des semi-conducteurs, le nouveau PDG d’Intel Pat Gelsinger a beaucoup fait pour relancer la machine. Mais il faudra encore beaucoup de temps pour que l’entreprise ne retrouve de sa superbe : ses processeurs professionnels Sapphire Rapids sont toujours en retard, il va falloir du temps pour voir si la poussée dans le domaine graphique portera ses fruits, AMD est un concurrent de plus en plus puissant, ARM perce dans les centres de données, le marché des PC est en baisse, etc. Après des décennies de domination totale, le modèle d’Intel souffre : son chiffre d’affaires a baissé de 22% en un an. Intel doit donc évoluer.
Ce que semble vouloir faire Pat Gelsinger : après avoir annoncé l’an dernier son projet IDM 2.0 dans lequel il lançait l’ouverture de ses usines à des tiers pour concurrencer TSMC, M. Gelsinger va aujourd’hui plus loin. En annonçant un séisme organisationnel : un modèle de fonderie interne. En clair, alors que jadis le design des puces et leur fabrication étaient intriquées – cela faisait d’Intel le seul acteur monolithique – désormais les usines (la « fonderie ») se comporteront comme un sous-traitant et les équipes du design comme un client. En scindant les activités d’Intel en deux, Pat Gelsinger veut rendre les deux unités plus compétitives. Entre elles d’une part, mais aussi avec le reste de l’écosystème :
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« Cela va nous permettre d’identifier et corriger les inefficacités structurelles qui existent dans notre modèle actuel en renforçant la responsabilité et les coûts aux décideurs en temps réel. Cela placera également les groupes de produits d’Intel sur un pied d’égalité avec les clients externes d’Intel Foundry Services et vice versa », a déclaré le patron d’Intel.
Si la fonderie d’Intel ne grave pas comme Intel design le souhaite, ces derniers pourront alors faire graver leurs puces ailleurs. Si Intel le fait déjà, que ce soit pour ses GPU Arc ou pour certaines « briques élémentaires » de puces comme pour la future 14e génération de Core, il faut comprendre dans les mots de M. Gelsinger que cela va désormais devenir la norme. De quoi mettre la pression à Intel Foundry. Mais aussi à Intel Design : si les puces se vendent peu ou mal alors que les services de conception de puces ont choisi la meilleure fonderie selon eux, ils n’auront alors plus d’excuses pour leurs échecs.
La transformation d’Intel ne va pas se faire sans douleur : Bloomberg révélait il y a deux jours que le géant des puces prépare une grosse vague de licenciements. Le groupe, qui comprend 113 700 employés dans le monde, pourrait couper jusqu’à 20% des têtes dans certains départements. Notamment les ventes et le marketing, M. Gelsinger ne cachant pas qu’il souhaite refaire d’Intel une « entreprise d’ingénieurs ». Et la culture d’Intel n’a pas l’habitude d’y aller avec le dos de la cuillère : en 2016, ce sont pas moins de 12 000 personnes, soient 11% de la masse salariale qui étaient parties.
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Ce qui est intéressant dans la tournure des événements, c’est que s’il reste leader dans bien des domaines, la trajectoire d’Intel rejoint un peu celle d’AMD. Par le passé, AMD possédait aussi ses propres usines. Des usines que le groupe a fini par céder et qui sont devenues GlobalFoundries. S’il est trop tôt pour savoir si M. Gelsinger envisage une telle destinée pour le groupe, le changement de structure qu’il opère facilitera le travail si l’option arrive un jour sur la table.