Sur l’affiche de l’édition 2022 de Japan Expo, qui se tient du jeudi 14 au dimanche 17 juillet au Parc des expositions de Villepinte (Seine-Saint-Denis), un phénix survole la tour Eiffel. Un symbole pas anodin pour ce gigantesque rassemblement des amateurs de pop culture japonaise, après deux éditions annulées en raison de la pandémie de Covid-19.
« Un phénix économique et moral », souligne Thomas Sirdey, cofondateur et patron de SEFA Event, aux commandes de cette manifestation qui avait accueilli plus de 250 000 visiteurs en 2019 et revendique, selon l’Agence France-Presse, la place de troisième salon le plus visité de France, derrière ceux de l’agriculture et de l’automobile.
« Nous devons notre survie aux prêts garantis par l’Etat, aux aides publiques, au moratoire sur les charges. Il est nouveau pour nous de faire tourner une société endettée, qui n’a pas eu de rentrées d’argent pendant deux ans, nous qui avions toujours été excédentaires », précise-t-il.
Côté moral, il a fallu gérer la frustration, les liens distendus avec un Japon aux frontières fermées pour des raisons sanitaires, la diminution de la masse salariale… Tout cela sans savoir si une édition 2022 pourrait voir le jour, dépendante des restrictions gouvernementales.
« Une étape obligatoire »
La machine a été relancée à toute allure en janvier, alors que le manga et l’animation japonaise sont plus que jamais plébiscités en France. « De nombreux exposants et éditeurs qui avaient acheté leur stand pour 2020 ont accepté de le maintenir ; l’industrie du manga étant en plein essor, on a aussi vu s’inscrire plusieurs nouveaux acteurs et les historiques ont rivalisé d’efforts pour décorer et animer leurs stands. Cette vitalité va se noter sur le festival », se réjouit Thomas Sirdey, qui y voit une marque de confiance.
Mangetsu, label manga des éditions Bragelonne qui souffle sa première bougie, est de ceux-là. C’est donc la première fois qu’il tiendra salon à Japan Expo : « Une étape obligatoire quand on fait du manga, on ne s’est même pas posé la question de venir ou pas », assure Sullivan Rouaud, directeur de la collection Mangetsu. « Cela nous permet de rencontrer les lecteurs que nous ne connaissons pour l’heure que par le biais des réseaux sociaux » et d’en convaincre de nouveaux.
Pour l’occasion, l’éditeur a décidé de « marquer le coup » en invitant une de ses autrices, Yuka Nagate, créatrice de Butterfly Beast. Une venue d’autant plus notable que les mangakas japonais ne sont pas nombreux à avoir accepté de se déplacer cette année. Côté animation et musique, le patron de Japan Expo nuance en rappelant que « des pointures comme Junichi Hayama, Mamoru Yokota, Yuji Kaida ou le studio Mappa, pour ne citer qu’eux », seront aussi de la partie.
Au-delà du Japon
Tout de même, cette année, Japan Expo a décidé de s’ouvrir au-delà de la culture japonaise en consacrant une partie de ses 140 000 mètres carrés aux autres pays sous le label « Amazing ». D’aucuns y verront une façon de tirer parti de l’émergence de la K-pop, du webtoon, mais aussi des franchises Marvel ou Star Wars, très présentes sur les conventions et festivals. Mais M. Sirdey avance avoir déjà tenté, par le passé, de faire de la place aux autres pop cultures, notamment un espace Comic-Con en 2013 :
« Les pop cultures ne sont plus compartimentées, comme cela avait pu être le cas autrefois. Avec la pandémie, mais aussi les pratiques des jeunes générations, les gens passent volontiers d’une œuvre à une autre sans forcément s’attacher au pays de création. L’idée est à la fois de faire plaisir à un public commun et de susciter la découverte. »
Autre changement : Japan Expo est aussi désormais sponsorisée. Piccoma, service de lecture en ligne de BD japonais (filiale du sud-coréen Kakao) récemment installé en Europe, appose son logo sur cette nouvelle édition. Des partenariats avec des marques, comme Celio, Rakuten ou la Fnac, ont aussi été noués. « L’essentiel de nos revenus reste axé sur la billetterie », complète toutefois M. Sirdey. Une billetterie dont les tarifs n’ont pas été augmentés, mais qui sera cette fois entièrement en ligne, sans caisse à l’entrée pour « mieux réguler le flux des visiteurs et assurer que ceux qui se présentent avec un billet puisse entrer ».
Reste à savoir si le public répondra présent. « Nos indicateurs de préventes sont plutôt au vert ; mais nous attendons jeudi, l’ouverture, pour nous prononcer », précise M. Sirdey. Le report à la mi-juillet, alors que l’événement a traditionnellement plutôt lieu le premier week-end du même mois, ne semble pas avoir émoussé la ferveur des festivaliers. « Il y a beaucoup d’excitation autour de l’événement et l’envie de se retrouver en présentiel, après autant de temps », constate de son côté M. Rouaud.
Seule ombre planant sur le phénix, outre la chaleur, que les cosplayeurs lourdement équipés auront appris à surmonter avec bravoure depuis de nombreuses années : la pandémie de Covid-19 et sa septième vague, qui continue de prendre de l’ampleur.