Véronique Béchu représente la France dans la lutte internationale contre l’exploitation sexuelle des enfants. C’est dans son service de la brigade des mineurs que la cinéaste Maïwenn avait tourné Polisse (2011), mettant en scène des policiers chargés de lutter contre la pédocriminalité. Elle raconte son expérience d’enquêtrice dans un livre terrible, Derrière l’écran. Combattre l’explosion de la pédocriminalité en ligne (Stock, 300 pages, 20 euros).
Je ne serais pas arrivée là si…
… Si je ne m’étais pas retrouvée devant un étudiant en droit, alors que j’allais m’inscrire à la fac de médecine, juste après mon bac. Depuis l’âge de 10 ans, je voulais être pédiatre. Mes grands-parents me répétaient pourtant : « Toi, on te voit magistrate. » Mais cet étudiant m’a parlé de criminalité, de criminologie, de droit pénal et j’ai compris que je pourrais être rapidement utile.
Si vos grands-parents vous voyaient magistrate et si cet étudiant vous a si rapidement détournée de votre vocation, c’est donc que vous aviez un rapport particulier à la loi ?
En effet, peut-être que je ne l’avais pas vu moi-même. Dans ma famille, la République était quelque chose d’important. Mon père était directeur d’une entreprise dans la métallurgie, ma mère avait été secrétaire de direction avant de s’arrêter de travailler pour élever ses cinq enfants. Ils avaient le souci de la collectivité, même si aucun d’entre eux n’était dans un métier directement en rapport avec la loi ou l’ordre. J’ai fait des études de droit pénal, passé un diplôme de sciences criminelles et je suis partie aux Etats-Unis. En rentrant, je me suis inscrite au concours de l’Ecole nationale de la magistrature [ENM]. J’étais en même temps assistante de justice au parquet général de la cour d’appel d’Amiens. La plupart des dossiers que je traitais étaient des affaires de violences sexuelles sur des enfants.
Lorsqu’on fréquente les tribunaux, on est frappé de voir le nombre de dossiers d’inceste ou de violences sexuelles sur des enfants…
Oui ! Il y en avait tellement que, lorsqu’on tombait de temps à autre sur un homicide ou un assassinat, on respirait un peu. C’est dire… J’ai raté les oraux de l’ENM, mais réussi les concours d’officier de police. Ça représente la première marche dans l’enquête et je voulais être sur le terrain.
Il n’y avait pas pléthore de postes en police judiciaire à l’époque et ces postes partaient en premier, alors qu’aujourd’hui, vingt-deux ans plus tard, la tendance s’est inversée. Je voulais absolument travailler dans les violences faites aux personnes, aider mon prochain. Et je ne me voyais pas aider mon prochain en enquêtant sur la fraude fiscale ou la corruption. J’avais besoin d’être au cœur de l’humain.
Il vous reste 78.23% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.