« Je me demande si je n’ai pas mis la main dans un engrenage infini »

« Je me demande si je n’ai pas mis la main dans un engrenage infini »


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Publié aujourd’hui à 00h57, mis à jour à 00h58

Lorsque sa dernière est entrée en petite section de maternelle à Rouen, Sophie (certaines personnes ont requis l’anonymat) aurait bien joué à la petite souris pour observer son enfant de 3 ans. Elle n’a pas eu besoin de se contorsionner : l’enseignante a créé un groupe WhatsApp incluant tous les parents, pour leur transmettre photos et commentaires audio en direct : ateliers peinture, séances lecture, etc. « Il y a un côté rassurant. La petite section, c’est un sacré changement pour l’enfant et les parents. »

Une notification sur son écran de téléphone portable et hop, d’un geste de la main, le parent s’immisce dans la classe, en toute discrétion, sans être vu de son enfant ni perturber la leçon en cours. Une façon de pénétrer, par une porte d’entrée détournée, dans le sacro-saint milieu scolaire, si codifié et souvent hermétique à toute tentative d’infiltration parentale. Pire encore durant la pandémie : exit les kermesses, les vide-greniers et autres tombolas… Avec les mesures de distanciation sociale, les rares occasions de s’introduire dans la cour se sont volatilisées. Dans certains cas, le réseau social est devenu une clé ouvrant instantanément ce sanctuaire, donnant parfois naissance à une certaine proximité avec l’enseignant et les autres parents d’élèves. Grâce à ce groupe, Sophie a retrouvé le doudou de son enfant. « Sans WhatsApp, je pense que nous n’aurions jamais remis la main dessus. »

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Aujourd’hui, la question taraude pas mal d’enseignants et fait débat en salle des professeurs. Communiquer ou pas son numéro de téléphone portable aux familles ? En matière de sociabilité numérique, il n’y a, du côté de l’école, aucune loi, mais une chose est sûre : la crise sanitaire a marqué un tournant. L’outil numérique (l’ordinateur comme le téléphone) s’est ancré dans les relations famille-école, brisant d’un coup net la frontière entre la vie privée et l’univers scolaire. Un professeur qui donne un cours à distance depuis son salon, un élève qui apprend dans sa chambre, des connexions défaillantes, des familles gérant la question des écrans à partager entre enfants, des applications à installer… « Ça s’est passé du jour au lendemain, sans que l’on y soit vraiment préparé ni formé, rapporte Guislaine David, cosecrétaire générale du syndicat d’enseignants SNUipp-FSU. Il fallait parer à l’urgence et recréer du lien. Le téléphone portable a beaucoup aidé. Nous avons eu à peine le temps de nous poser la question, on a transmis nos numéros. Tout le monde, enseignants comme parents, était désemparé, inquiet, abasourdi. C’était inédit. Ça partait d’un bon sentiment. »

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