« Je trouve qu’il y a de la beauté dans cette dichotomie entre la vie et la mort »

« Je trouve qu’il y a de la beauté dans cette dichotomie entre la vie et la mort »


Pourquoi ses jeux vidéo sont-ils si difficiles ? Hidetaka Miyazaki n’est pas fatigué de répondre à cette question. « C’est bien naturel qu’on me la pose autant », reconnaît le réalisateur japonais à l’occasion d’un passage à Lyon, au siège européen de son éditeur, Bandai Namco. Il faut dire que son œuvre ne ressemble à aucune autre. L’explication est pourtant simple : « J’aime que les gens ressentent un fort sentiment d’accomplissement lorsqu’ils réussissent à franchir un cap de difficulté. » Une thématique « qui [lui] est chère » et qu’il est bien obligé d’assumer, tant ses jeux portent sa marque, dans une industrie qui tend à lisser la moindre aspérité. Alors, « s’il faut répondre éternellement à cette question, je le ferai ».

Davantage que cette difficulté, c’est sa ténacité à défendre ses partis pris radicaux qui caractérise le créateur d’Elden Ring (2022). Cette production de FromSoftware est sa victoire la plus retentissante : elle s’est écoulée à 25 millions d’exemplaires depuis sa sortie, rivalisant avec les Pokémon, Call of Duty et autres plus consensuels champions des ventes. Pourtant, s’il figurait l’année passée dans le classement des cent personnalités les plus influentes du magazine Time, rares sont ceux qui auraient parié, au départ, sur le triomphe de l’ancien comptable, reconverti en concepteur de jeux vidéo à l’aube de la trentaine.

De l’aride Demon’s Souls (2009) à Elden Ring : Shadow of the Erdtree (une extension pour Elden Ring, disponible vendredi 21 juin), en passant par la trilogie Dark Souls (2011-2017) ou des titres comme Bloodborne (2015) et Sekiro (2019), Hidetaka Miyazaki et ses équipes n’ont pourtant jamais changé de cap, donnant corps à une œuvre d’une cohérence rare, dans laquelle s’expriment des obsessions atypiques.

Ruines et temps qui passe

Hidetaka Miyazaki s’esclaffe lorsque nous l’interrogeons sur les lourdes portes qui ponctuent ses jeux et que notre avatar ne peut ouvrir qu’en poussant de tout son poids. « Au début, j’avais en tête Deep Dungeon [série de jeux vidéo lancée en 1986 et inédite en Occident] dans lequel on fracassait des portes à coups de pied. J’ai hésité à reprendre ça. Puis j’ai trouvé qu’il était préférable d’aller dans une autre direction, plus classieuse », explique-t-il. Même si elle ne figure finalement pas dans le jeu, la référence souligne son amour indéfectible pour les univers de fantasy médiévale qui a abreuvé ses jeux truffés de châteaux, de catacombes ou de marais empoisonnés.

C’est ainsi qu’il a cultivé un goût pour les paysages dévastés, qui se sont affirmés comme un de ses motifs majeurs. « Indéniablement, j’adore tout ce qui touche aux ruines. Et aussi ce qu’on appelle l’“urbex” [l’exploration de sites abandonnés]. J’aime ce sentiment de mélancolie, imaginer qu’autrefois il y a des gens qui ont vécu et se sont aimés à cet endroit. Les ruines sont chargées d’histoire tout en dégageant une sorte de désespoir. Je trouve qu’il y a de la beauté dans cette dichotomie entre la vie et la mort. » L’accumulation de ces vestiges dans Elden Ring, magnifiés par ses vastes paysages, évoque « à quel point l’humain est petit et limité », insiste celui qui se qualifie de « romantique ».

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