La Haute Cour de Londres a demandé aux Etats-Unis, mardi 26 mars, des garanties sur la procédure judiciaire entourant le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, en cas d’extradition décidée par la justice britannique.
Appelés à se prononcer sur un recours de M. Assange, qui demandait une ultime audience en appel pour contester son extradition, les magistrats ont décidé de donner trois semaines au gouvernement américain pour apporter les éléments garantissant, notamment, que sa nationalité australienne ne lui serait pas préjudiciable lors d’un éventuel procès aux Etats-Unis ; que la peine de mort ne serait pas demandée à son encontre ; qu’il pourrait bénéficier de la protection du premier amendement de la constitution américaine – qui protège la liberté d’expression – de la même manière qu’un citoyen américain.
Si la justice britannique considère que les garanties ne sont pas présentes, alors une nouvelle audience sera organisée pour débattre à nouveau de la légitimité de la demande d’appel de Julian Assange. Si les garanties sont effectives, alors l’audience en appel aura lieu et une décision sera prise sur le fond.
Quelques semaines de répit
L’Australien de 52 ans gagne ainsi quelques semaines de répit et le droit à une nouvelle occasion pour se défendre, à l’issue de laquelle une extradition est toujours possible. Si cela se produit, Julian Assange pourra encore formuler un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
La justice américaine poursuit Julian Assange pour avoir publié à partir de 2010 plus de 700 000 documents confidentiels sur les activités militaires et diplomatiques américaines, qui révélaient notamment le lourd bilan de la guerre en Irak. Des publications qui s’étaient faites en partenariat avec de nombreux médias internationaux, dont Le Monde. Parmi elles, une vidéo montrant des civils, dont deux journalistes de l’agence Reuters, tués par les tirs d’un hélicoptère de combat américain en Irak en juillet 2007.
Julian Assange avait été arrêté par la police britannique en 2019 après sept ans passés dans l’ambassade d’Equateur à Londres, afin d’éviter son extradition vers la Suède dans une enquête pour viol, classée sans suite la même année.
Dégradation de son état de santé
De nombreuses voix ont exhorté le président des Etats-Unis, Joe Biden, à abandonner les dix-huit chefs d’accusation retenus contre Julian Assange durant le mandat de Donald Trump, en vertu d’une loi de 1917 sur l’espionnage.
Ces dernières semaines, les proches de Julian Assange, détenu depuis cinq ans dans la prison de haute sécurité de Belmarsh à Londres, ont alerté sur la dégradation de son état de santé. Sa défense met également en avant un risque de suicide en cas d’extradition.
Souffrant, Julian Assange était absent des audiences de février. Lors de ces deux jours de débats, ses avocats s’étaient efforcés de convaincre les magistrats que ces poursuites contre lui étaient « politiques », et qu’une extradition mettrait sa santé et sa vie en danger.
L’Australien est poursuivi pour des « pratiques journalistiques ordinaires » consistant à « obtenir et publier des informations », avait fait valoir son avocat Edward Fitzgerald. Son client risque une peine disproportionnée aux Etats-Unis et « il existe un risque réel qu’il subisse un déni de justice flagrant », a-t-il ajouté.
Le Monde
Offre spéciale étudiants et enseignants
Accédez à tous nos contenus en illimité à partir de 9,99 €/mois au lieu de 11,99 €.
S’abonner
L’avocate Clair Dobbin, qui représente le gouvernement américain, avait de son côté fait valoir que Julian Assange avait « publié sans discernement et en connaissance de cause les noms d’individus qui ont servi de sources d’information pour les Etats-Unis ». « Ce sont ces faits qui le distinguent [d’autres médias], et pas ses opinions politiques », a-t-elle fait valoir.
En janvier 2021, la justice britannique avait initialement tranché en faveur du fondateur de WikiLeaks. Invoquant un risque de suicide, la juge Vanessa Baraitser avait refusé d’autoriser son extradition. Mais cette décision a ensuite été infirmée.
Pour tenter de rassurer sur le traitement qui lui serait infligé, les Etats-Unis ont affirmé qu’il ne serait pas incarcéré à la prison de très haute sécurité ADX de Florence (Colorado), et qu’il recevrait les soins cliniques et psychologiques nécessaires. Les Américains avaient aussi évoqué la possibilité qu’il puisse demander à purger sa peine en Australie.
Le premier ministre australien, Anthony Albanese, a récemment dénoncé les poursuites engagées par la justice américaine contre Julian Assange, et le Parlement australien a adopté une motion demandant d’y mettre un terme.
Rectificatif du mardi 26 mars à 12 h 24 : les possibles suites judiciaires de la décision de la Haute Cour ont été précisées.